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Publié : 24 janvier 2013

Un voisin bouche un canal qui était un ancien ruisseau. (jan 2008)

Cour d’ appel de Limoges 22 janvier 2008

Monsieur Frédéric Y... est propriétaire d’ un ensemble de parcelles cadastrées C 905,906 et 907 de la commune de DARAZAC (CORREZE), la parcelle 906 étant constituée d’ un réservoir alimenté par un canal d’ amenée d’ eau provenant du ruisseau proche de Glanes. Monsieur Joël X... est propriétaire d’ une parcelle voisine longeant le canal d’ amenée d’ eau et cadastrée 904 section C. MM. Y... ET X... ont des auteurs communs.

Par acte d’ huissier en date du 23 juin 2003, Frédéric Y... a assigné Joël X... en référé devant le Tribunal de Grande Instance de TULLE pour obtenir sous astreinte la remise en état du canal d’ amenée d’ eau, remblayé et bouché sur une centaine de mètres, du réservoir de la parcelle C906 bordant la parcelle C 904.

Par ordonnance du 23 septembre 2003, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de TULLE a ordonné une mesure d’ expertise confiée à M. Michel I.... Celui-ci a clos son rapport le 28 mars 2004.

Par acte d’ huissier de justice en date du 6 juin 2005, M. Y... a assigné M. X... au fond devant le TGI de TULLE afin notamment de voir juger qu’ il est le propriétaire du canal d’ amenée d’ eau du réservoir litigieux et condamner M. X... à le remettre en état sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification du jugement à intervenir. Il a réclamé en outre une provision de 300 euros à valoir sur le préjudice d’ ores et déjà causé et de 2 500 euros en application des dispositions de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. Joël X... a conclu au débouté de M. Frédéric Y... et a réclamé une somme de 2 000 euros sur le fondement du texte précité.

Par jugement du 7 avril 2006, le Tribunal de Grande Instance de TULLE a dit que le canal d’ amenée d’ eau sis en partie sur la parcelle no904 de la section C de la commune de DARAZAC appartient à M. Frédéric Y..., condamné M. Joël X..., propriétaire de ladite parcelle, à faire enlever à ses frais les remblaiements déposés dans la partie du canal litigieux sise sur sa parcelle no904 et la remettre dans l’ état où elle se trouvait avant le remblaiement, a rejeté la demande de M. Y... tendant à faire condamner sous astreinte M. X... à laisser la libre circulation de l’ eau et à remettre en état les bordures du canal afin qu’ il assure sa fonction, ainsi que la demande de provision de M. Y... et a condamné M. X... à payer à M. Y... la somme de 800 euros sur le fondement de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par déclaration du 25 juillet 2006, M. Joël X... a relevé appel de ce jugement dont il sollicite la réformation. Il demande à la cour à titre principal de dire que M. Y... n’ est pas propriétaire du canal litigieux ou que pour le moins, il y a prescription acquisitive à son profit, à titre subsidiaire, de dire que M. Y... est propriétaire du canal d’ amenée d’ eau soit la partie bâtie s’ étendant sur une distance de 50 mètres à compter du réservoir, tel que précisé par l’ expert, de juger que M. X... ne pourra être tenu qu’ à enlever les remblaiements qu’ il aura déposés sur partie de cette distance, de lui donner acte de son accord pour ce faire, de le débouter de ses demandes et de le condamner à lui verser une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile.

L’ appelant expose que le canal litigieux traverse sa parcelle no904 et que la théorie de l’ accession définie par l’ article 546 du code civil ne s’ applique aux canaux utiles que si ces canaux sont artificiels et s’ ils ont été aménagés pour le service exclusif du lieu, que M. Y... ne peut se prévaloir de cette présomption de propriété car l’ alimentation du bassin appartenant à ses auteurs se faisait par l’ intermédiaire du ruisseau de la Glane dont le tracé constituait le lit naturel, que depuis au moins 40 ans, le canal d’ amenée d’ eau litigieux ne faisait l’ objet d’ aucun usage, que l’ acte du 10 décembre 1898 ne concerne pas le canal mais seulement la chaussée d’ un étang et les eaux d’ alimentation. Il ajoute qu’ en cours de procédure, l’ intimé a invoqué un droit de servitude d’ écoulement d’ eau s’ exerçant sur la parcelle 904 alors que l’ absence d’ entretien et d’ usage par lui-même et ses auteurs pendant plus de 40 ans a fait disparaître la servitude qu’ il invoque, alors que lui-même et ses auteurs jouissent de manière paisible et non équivoque depuis ce temps de l’ intégralité de la parcelle 904, y compris la bande de terrain revendiquée de manière abusive par M. Y....

Frédéric Y... conclut à la confirmation de la décision querellée, sauf quant à l’ astreinte et à la provision. Il demande à la Cour d’ assortir la condamnation de M. X... d’ une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du 8 ème jour après la signification de l’ arrêt à intervenir et réclame une provision de 3 000 euros sur son préjudice, outre une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’ article 700 du nouveau code de procédure civile.

L’ intimé soutient qu’ il existe une présomption de propriété du bief ou canal d’ amenée d’ eau au bénéfice du propriétaire de l’ étang qui l’ alimente, ajoutant qu’ il bénéficie d’ un titre de propriété sur ce réservoir, opposable à Monsieur X..., car il émane des consorts J..., qui sont leur auteur commun. Il ajoute que le canal d’ amenée d’ eau confondu avec le cours du ruisseau, ne porte aucun numéro et que rien ne démontre qu’ il soit cadastralement attribué à l’ appelant, ainsi que le confirment les constatations de l’ expert. Il indique que M. X... allègue à tort l’ abandon de ce canal, faisant observer que la propriété ne se perd pas par le non usage et que l’ appelant n’ établit aucune prescription par des actes utiles de possession et ajoute que les dispositions de l’ article 644 du code civil, invoquées par son adversaire, sont inopérantes en l’ espèce car elles ont vocation à s’ appliquer lorsqu’ il n’ existe pas de titre.

SUR QUOI

Il n’ est pas contesté que M. Frédéric Y... est propriétaire d’ un ensemble de parcelles sises à DARRAZAC (CORREZE) et figurant au cadastre de cette commune sous les numéros 905,906 et 907 de la section C,

que la parcelle 906 est constituée d’ un réservoir alimenté par un canal d’ amenée d’ eau ou bief et que M. Joël X... est propriétaire d’ une parcelle voisine du fonds Y..., figurant au cadastre de la commune de DARRAZAC sous le numéro 904 section C.

M. Y..., qui fait grief à M. X... d’ avoir remblayé en partie le canal en cause, en revendique la propriété en totalité. Le titre sur lequel il se fonde, à savoir l’ acte notarié dressé par Maître K... le 10 décembre 1998 ne fait référence qu’ à un étang alors que le canal litigieux ne sert qu’ à alimenter un réservoir situé sur la parcelle 906, que M. Michel I..., expert judiciaire, a décrit de façon précise comme un ouvrage maçonné aujourd’ hui très délabré et envahi par le maquis.

L’ expert fait également observer que le bail de location signé le 15 mai 1959 permet de constater que déjà à cette époque, le réservoir-ou bassin-était rempli de vase et les murs démolis.

La propriété revendiquée par M. Y... est d’ autant plus invraisemblable qu’ il ressort des investigations de l’ expert que cette voie d’ eau était constituée par le lit du ruisseau “ la Glane “, qui s’ est déplacé au fil du temps, les auteurs des parties n’ ayant pu par conséquent procéder à l’ acquisition d’ un bien par nature inaliénable et imprescriptible. Il ressort au contraire de l’ acte de donation du 27 janvier 1999 par Pierre-Henri X... en faveur de son neveu Joël X...

que la parcelle 904 est portée pour 57,77 ares, soit sa contenance réelle y compris la surface de l’ assiette du canal litigieux, ainsi que le note l’ expert, qui explique que le ruisseau et le canal d’ amenée des eaux au bassin n’ ont fait qu’ un, au moins jusqu’ en 1959 et que progressivement ensuite, le canal s’ est asséché et que le lit du ruisseau est devenu ce qu’ il est aujourd’ hui en empruntant un cheminement qui paraît tout naturel sur le terrain.

Il ressort de ce qui précède que M. Y..., qui abandonne en cause d’ appel le moyen tiré de la théorie de l’ accession, ne peut se prévaloir d’ aucun titre de propriété sur le canal d’ amenée d’ eau litigieux et doit se voir débouter de son action en revendication et de sa demande d’ enlèvement des remblais déposés dans ledit canal et le jugement déféré sera réformé dans ce sens.

Il apparaît équitable d’ allouer à M. X... la somme de 1 200 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’ appel.

M. Y... succombe en ses prétentions et sera condamné aux dépens, y compris les frais d’ huissier de justice et d’ expertise.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant en audience publique, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Infirme le jugement rendu le 7 avril 2006 par le Tribunal de Grande Instance de TULLE et statuant à nouveau,

Dit que le canal d’ amenée d’ eau sis en partie sur la parcelle no 904 de la section C de la commune de DARRAZAC (CORREZE) n’ appartient pas à M. Frédéric Y...,

Le déboute en conséquence de ses demandes,

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Tulle du 7 avril 2006