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Publié : 26 janvier 2013

ETUDE DE CAS : Un canal de fuite borné "au ras de l’eau".

Veille Juridique des Riverains de cours d’eau, août 2006

Le canal de fuite d’un moulin est un accessoire indispensable au même titre que le canal d’amenée ou que l’ouvrage construit en travers du cours d’eau dont l’objet est de provoquer artificiellement l’élévation du niveau de l’eau qui par gravité produit l’énergie nécessaire pour faire tourner la roue, le rouet ou la turbine (droit d’accession article 546 du code civil)

Cas particulier d’un canal de fuite dont le terrain jouxtant la rive appartient à une personne autre que le propriétaire du moulin.

Ce cas est malheureusement courant et cette situation est à l’origine de bien des conflits.

La rive du canal s’effondre et le propriétaire du terrain s’insurge en disant que "sa" rive s’est effondrée du fait du passage de l’eau provenant du moulin.

  • La tierce personne a tort car la rive et notamment le franc-bord du canal est réputé appartenir au propriétaire du moulin. La jurisprudence est constante à cet égard (article 546 du code civil).
  • La tierce personne a raison en exigeant la remise en état de la rive par le propriétaire du moulin. Aucune action du propriétaire du moulin ne doit entraver la jouissance paisible du propriétaire du terrain voisin.

Voyons le cas du propriétaire de ce moulin qui a accepté que la rive soit bornée "au ras de l’eau" par un géomètre expert. Il est évident que ce propriétaire de moulin ne connaît pas ses droits et, en signant ce procès-verbal de bornage, perd son droit de propriété de la rive et notamment du franc-bord.

Il a cependant, du fait que le moulin est fondé en titre et que rien ne doit entraver le fonctionnement dudit moulin, la possibilité de faire mentionner, de préférence à l’amiable par le géomètre ou par une décision de justice, une servitude d’entretien utilisable le long du canal.

Le point de vue du géomètre expert.

  • Un géomètre connaît les particularités d’un moulin à eau et fait la différence entre un cours d’eau dont le droit de propriété de la rive est régi par l’article L 215-2 du code de l’environnement et un canal d’amenée ou de fuite qui a été creusé artificiellement pour l’usage presque toujours exclusif du moulin que ces canaux desservent. Ces canaux sont donc, sauf exception, la dépendance exclusive du moulin sans lesquels le moulin ne pourrait pas fonctionner et appartiennent entièrement au propriétaire du moulin sauf si la propriété a été démembrée, ce qui arrive souvent au cours des siècles qui suivent la création du moulin. Dans le cas où la propriété du moulin a été démembrée, le moulin ne pouvant exister sans ses accessoires : barrage et canaux, le moulin continue de fonctionner par le biais de servitudes : servitude de passage uniquement pour la surveillance et l’entretien de la rive du canal.
  • Le PV de bornage est réputé être un sous-seing privé. Il n’est opposable qu’à ceux qui l’ont signé. Pour que ce PV soit opposable aux tiers, il faut que, soit le géomètre prenne l’initiative d’une publication, soit que le notaire fasse la même démarche en ayant en mains le document d’arpentage nécessaire. La publication d’un PV de bornage n’est pas automatique et c’est la partie la plus diligente qui en prend l’initiative. Le géomètre ne le fait que sur la demande expresse de son client par communication au service du cadastre.
  • A défaut de preuve contraire, les tribunaux considèrent souvent que le PV de bornage non publié continue à s’appliquer même en cas de changement de propriétaire.

Conséquences

Le propriétaire qui vend son moulin dans ces conditions, à savoir un bornage "au ras de l’eau" non conforme au droit des moulins, crée une situation juridique confuse car les tribunaux jugent que le PV s’impose tantôt au nouveau propriétaire tantôt à l’autre. Nous estimons que le PV devrait s’imposer aux deux parce qu’il s’agit de parcelles cadastrales contiguës.

Le point de vue de la VEILLE JURIDIQUE DES RIVERAINS

Comme il est dit précédemment, le PV de bornage peut être contesté par le nouveau propriétaire du moulin par voie judiciaire.

Si le moulin est fondé en titre et si la qualité de moulin est bien écrite dans l’acte notarié de vente, le canal de fuite jouit automatiquement d’une servitude de passage pour l’entretien dudit canal. Rien ne doit entraver ou rendre impossible la marche d’un moulin, même si le bornage est "au ras de l’eau". La contestation doit porter sur l’inscription d’une servitude de passage.

Précaution indispensable à prendre avant l’achat d’un moulin.

Il est évident qu’un acquéreur avisé d’un moulin à eau n’accepte pas d’acheter un moulin dont les terrains n’englobent pas totalement les accessoires du moulin.

Dans le cas contraire, il exige du vendeur du moulin que des servitudes de passage pour la surveillance et l’entretien des accessoires du moulin : barrage et canaux d’amenée et de fuite soient établies entre le propriétaire du moulin et le ou les propriétaires des différents terrains jouxtant les canaux ou le barrage permettant ainsi un accès libre en tous temps pour les besoins du moulin.

L’importance de l’intervention d’un géomètre expert sur la propriété d’un moulin.

Ce qui suit ne concerne pas les moulins dont les canaux et le barrage sont entièrement englobés dans un bloc de parcelles d’un seul tenant. Mais le propriétaire d’un tel moulin peut être tout de même concerné par ce cas s’il possède un terrain jouxtant le canal d’amenée du moulin immédiatement situé en aval !

Dans le cas exposé plus haut, et si un accord a été passé, il faut absolument faire intervenir un géomètre qui bornera le canal litigieux en respectant les francs-bords. Mais cela ne suffit pas comme il a été exposé plus haut : il faut exiger du géomètre que le bornage soit enregistré au cadastre, ce qui le rend opposable aux tiers qui n’ont pas signé le procès-verbal de bornage.

Note importante.

"Le point de vue du géomètre expert" a été rédigé selon les directives d’un géomètre expert diplômé en exercice qui intervient couramment sur des moulins à eau. Il connaît le droit applicable aux moulins. Il a même dicté le paragraphe en caractères italiques

L’intervention d’un géomètre expert dans des litiges portant sur des canaux ou des barrages de moulins est très bon marché par rapport à une procédure judiciaire qui peut aller jusqu’en Cour de Cassation ou devant le Conseil d’Etat selon les cas. Cette intervention peut mettre fin définitivement à un litige qui peut durer pendant des années. Elle est particulièrement recommandée avant l’achat d’un moulin.