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Publié : 26 janvier 2013

Retrait d’autorisation d’un vannage fondé en titre (2001)

Cour administrative d’appel de Nantes 14 mars 2001

Considérant que M. et Mme CHATELAIN ont acquis en 1962, à Macé (Orne), une propriété comportant un ancien moulin à eau dénommé "Moulin de l’Abbé" et le bief d’alimentation de celui-ci depuis l’Orne ;

que par un arrêté du 2 août 1968, abrogeant une précédente autorisation du 4 juillet 1877, le préfet de l’Orne a autorisé M. et Mme CHATELAIN à alimenter ce bief par une prise d’eau installée dans l’Orne, au moyen d’un barrage muni d’un vannage composé de quatre vannes venant s’ajouter à une vanne préexistante ;

que cette autorisation permettait notamment à son bénéficiaire de manoeuvrer le vannage une fois par semaine pour alimenter le bief ;

que par une convention ultérieure, M. et Mme CHATELAIN ont cédé au syndicat intercommunal d’étude pour la réalisation d’un contrat de pays dans le canton de Sées, au droits duquel vient le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) du Pays de Sées, les ouvrages de prise d’eau précités, cette convention transférant au syndicat les "charges, droits, responsabilités et contraintes" attachés à ceux-ci, avec pour contrepartie l’engagement du syndicat de "veiller au respect des prescriptions prévues en matière de police des eaux" et d’entretenir les ouvrages et la possibilité pour M. et Mme CHATELAIN de continuer à pouvoir manoeuvrer les vannes dans les conditions fixées par l’autorisation du 2 août 1968 ;

que par arrêté du 28 juillet 1995, le préfet de l’Orne, à la demande du SIVOM du Pays de Sées, a autorisé ce dernier à supprimer le vannage de l’ancien Moulin de l’Abbé et a abrogé son précédent arrêté du 2 août 1968 ;

que M. et Mme CHATELAIN font appel du jugement du 13 mai 1997 du Tribunal administratif de Caen en tant que ce jugement a rejeté les conclusions de leur demande tendant à l’annulation de cet arrêté du 28 juillet 1995 ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance ;

Considérant qu’aux termes de l’article 26 du décret du 29 mars 1993 susvisé : "La décision de retrait d’autorisation est prise par un arrêté préfectoral ou interpréfectoral qui, s’il y a lieu, prescrit la remise du site dans un état tel qu’il ne s’y manifeste aucun danger ou aucun inconvénient pour les éléments concourant à la gestion équilibrée de la ressource en eau" ;

qu’aux termes de l’article 27 du même décret : "L’article 26 est applicable à une demande de retrait présentée par le bénéficiaire d’une autorisation" ;

que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme CHATELAIN, il ne résulte pas de ces dispositions que l’abrogation de l’autorisation de prise d’eau du 2 août 1968 prononcée par l’arrêté attaqué du préfet de l’Orne n’aurait pu intervenir qu’au vu d’une demande qui aurait réclamé cette abrogation et n’aurait pu être présentée que par les requérants eux-mêmes en leur qualité de bénéficiaires initiaux de l’autorisation ainsi abrogée ;

Considérant qu’aux termes de l’article 23 du décret du 29 mars 1993 : "Lorsqu’il y a lieu de retirer une autorisation, le préfet peut établir un projet de remise en état des lieux, accompagné des éléments de nature à le justifier. Le préfet ... notifie un exemplaire du dossier ainsi constitué au bénéficiaire de l’autorisation, au propriétaire de l’ouvrage ou de l’installation, ou aux titulaires de droits réels sur ceux-ci" ;

qu’il résulte des termes mêmes de ces dispositions que l’établissement d’un projet de remise en état des lieux qu’elles prévoient ne constitue pas une obligation pour le préfet ;

que la circonstance que l’intervention de l’arrêté du 28 juillet 1995 n’ait pas été précédée de l’établissement d’un tel projet et de sa notification à M. et Mme CHATELAIN n’est pas, par suite, de nature à entacher d’irrégularité la procédure suivie ;

Considérant qu’aux termes de l’article 103 du code rural  : "L’autorité administrative est chargée de la conservation et de la police des cours d’eau non domaniaux. Elle prend toutes dispositions pour assurer le libre cours des eaux ..." ;

qu’aux termes de l’article 109 du même code : "Les autorisations accordées pour l’établissement d’ouvrages ou d’usines sur les cours d’eau non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants : ... 2 Pour prévenir ou faire cesser les inondations ... Les dispositions du présent article sont applicables aux permissions ou autorisations accordées en vertu des articles 106 et 107 du présent code ou antérieurement à la mise en vigueur de ces dispositions, ainsi qu’aux établissements ayant une existence légale ..." ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le vannage des ouvrages de la prise d’eau, autorisée par le préfet de l’Orne le 2 août 1968, qui avaient été cédés par M. et Mme CHATELAIN au SIVOM du Pays de Sées, était devenu à l’état de ruine et était en partie tombé dans le lit de l’Orne ;

que cette situation faisait obstacle au libre cours des eaux en périodes de crues et, au surplus, rendait les ouvrages hors d’état de jouer le rôle d’alimentation du bief du Moulin de l’Abbé en vue duquel leur réalisation avait été autorisée ;

que, quelles qu’aient été les diverses causes qui ont concouru à la survenance de cet état de fait, le préfet de l’Orne a pu légalement, dans ces conditions, sur le fondement des dispositions susmentionnées de l’article 103 du code rural et de celles de son article 109, qui, selon leurs termes mêmes s’appliquent aux ouvrages fondés en titre, et pour le motif tiré de l’existence d’un obstacle à l’écoulement des eaux en période de crues, autoriser la suppression du vannage pour libérer le cours du fleuve de tous débris et abroger son précédent arrêté du 2 août 1968 ;

que la circonstance que le SIVOM du Pays de Sées n’aurait pas respecté ses engagements au titre de l’exécution de la convention par laquelle les ouvrages en cause lui avaient été cédés est sans influence à cet égard ;

que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme CHATELAIN, le préfet ne tenait d’aucune disposition relative aux installations ou ouvrages établis sur les cours d’eau non domaniaux le pouvoir d’imposer au SIVOM le respect de ces mêmes engagements ;

DÉCIDÉ :

Article 1er : La requête de M. et Mme CHATELAIN est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du syndicat intercommunal à vocation multiple du Pays de Sées tendant au bénéfice des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme CHATELAIN, au syndicat intercommunal à vocation multiple du Pays de Sées et au ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.

Commentaire lu sur http://texteau.ecologie.gouv.fr:

S’ agissant du vannage d’ un ouvrage de prise d’ eau destinée à alimenter un ancien bief de moulin, ouvrage réduit à l’ état de ruine faisant obstacle au libre cours des eaux en périodes de crues, la décision préfectorale de retrait susceptible d’ intervenir d’ office au titre des articles 103 et 109 du code rural (articles L. 215-7 et L. 215-10 du code l’ environnement) prescrit la remise du site dans un état tel qu’ il ne s’ y manifeste aucun danger ou inconvénient pour les éléments concourant à la gestion équilibrée de la ressource en eau (article 26 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993). Il n’ est pas nécessaire qu’ une demande ait réclamé cette abrogation et que la demande soit présentée par le titulaire de l’ autorisation initiale, ni que la demande de retrait soit obligatoirement accompagnée d’ un projet de remise en état des lieux ; il s’ agit en effet d’ une simple possibilité ouverte par l’ article 23 du décret précité.