Cour de Cassation
Audience publique du 5 janvier 1978
SUR LE PREMIER MOYEN :
MALASSENET, PROPRIETAIRE D’UN ANCIEN MOULIN A EAU DESAFFECTE, AYANT COMBLE LE CANAL D’AMENEE DE L’EAU AU MOULIN, DAME TRIBET VEUVE DEDOLIN, PROPRIETAIRE D’UN FONDS VOISIN, A, SUR LE FONDEMENT DE L’ARTICLE 98 DU CODE RURAL, PRÉTENDU AVOIR DROIT A LA PROPRIÉTÉ DE LA MOITIE DE CE CANAL ET A PLACE UNE CLÔTURE AU MILIEU DE LA ZONE REMBLAYÉE ;
QU’ACCUEILLANT L’ACTION INTENTÉE PAR MALASSENET, AUX DROITS DE QUI SONT LES CONSORTS MALASSENET, A L’EFFET DE SE FAIRE RECONNAÎTRE LA PROPRIÉTÉ DU BIEF EN SON ENTIER, L’ARRÊT CONFIRMATIF ATTAQUE ORDONNE LA SUPPRESSION DE CETTE CLÔTURE ;
ATTENDU QU’IL EST FAIT GRIEF AUDIT ARRET D’AVOIR, POUR STATUER AINSI, ECARTE UN BORNAGE AMIABLE ETABLI PAR UN GEOMETRE, ACCEPTE PAR LES PARTIES ET MATERIALISE PAR L’IMPLANTATION DE BORNES, ALORS, SELON LE MOYEN, "QUE LE BORNAGE EFFECTUE DU COMMUN ACCORD DES PROPRIETAIRES INTERESSES EST UNE CONVENTION QUE LA LOI N’A SOUMISE A AUCUNE FORME PARTICULIERE ET QUI, TERMINANT UNE CONTESTATION NEE ENTRE LES PARTIES OU PREVENANT UNE CONTESTATION A NAITRE, NE PEUT ETRE ATTAQUEE POUR CAUSE D’ERREUR DE DROIT" ;
MAIS ATTENDU QU’APRES AVOIR, PAR ADOPTION DES MOTIFS DU JUGEMENT, EXACTEMENT ENONCE QUE LORSQUE LE BORNAGE AMIABLE N’A PAS TRANCHE UNE QUESTION DE PROPRIETE, L’ACCORD DES VOISINS SUR L’IMPLANTATION DES BORNES N’IMPLIQUE PAS A LUI SEUL LEUR ACCORD SUR LA PROPRIETE DE LA PARCELLE LITIGIEUSE, LA COUR D’APPEL, SAISIE D’UNE CONTESTATION SUR LA PROPRIETE DU BIEF, A SOUVERAINEMENT APPRECIE LE DEGRE DE FORCE PROBANTE DES TITRES PRODUITS, AU NOMBRE DESQUELS SE TROUVAIT LE BORNAGE AMIABLE INVOQUE, POUR RETENIR LES PRESOMPTIONS DE PROPRIETE QUI LUI PARAISSAIENT LES MEILLEURES ;
D’OU IL SUIT QUE LE MOYEN N’EST PAS FONDE ;
SUR LE SECOND MOYEN :
ATTENDU QU’IL EST ENCORE REPROCHE A L’ARRET D’AVOIR ECARTE L’APPLICATION, REQUISE PAR DAME DEDOLIN, DE LA PRESOMPTION DE PROPRIETE EDICTEE PAR L’ARTICLE 98 DU CODE RURAL, EN RETENANT QU’IL RESULTE DES CONFRONTS PRECISES PAR UN TITRE DE 1879 QUE LE FONDS DE LADITE DAME N’EST PAS RIVERAIN DU BIEF, QUE LES MENTIONS CONTRAIRES D’UN TITRE DE 1920 SONT ERRONEES, QU’UN PLAN DE 1927 DEMONTRE QUE CE FONDS EST SEPARE DU BIEF PAR UN "PASSAGE A PIED" DESSERVANT UNE PARCELLE A PARTIR DE LA COUR DU MOULIN ET D’AVOIR AU CONTRAIRE DECIDE QUE LE BIEF, ACCESSOIRE INDISPENSABLE AU FONCTIONNEMENT DU MOULIN, EST PRESUME APPARTENIR AU PROPRIETAIRE DE CELUI-CI, ALORS, SELON LE MOYEN, "QUE, D’UNE PART, EN NE PRECISANT PAS LES RAISONS DE FAIT POUR LESQUELLES ELLE ESTIMAIT QU’UNE ERREUR DE DESIGNATION AFFECTAIT L’ACTE DE 1920 PLUTOT QUE CELUI DE 1879, LA COUR D’APPEL A STATUE PAR DES MOTIFS PUREMENT HYPOTHETIQUES,
QUE, D’AUTRE PART, LE PROPRIÉTAIRE D’UN MOULIN N’EST RÉPUTÉ ETRE PROPRIÉTAIRE DU BIEF QUI AMÈNE L’EAU QUE SI CE DERNIER A ÉTÉ ENTIÈREMENT CRÉE PAR LA MAIN DE L’HOMME, ET QU’ENFIN L’EXISTENCE D’UNE ÉVENTUELLE SERVITUDE DE PASSAGE SUR LA PROPRIÉTÉ RIVERAINE D’UN COURS D’EAU NE PRIVE PAS CETTE PROPRIÉTÉ DE LA PRÉSOMPTION DE PROPRIÉTÉ DE LA MOITIE DU COURS D’EAU" ;
MAIS ATTENDU, D’ABORD, QUE LA COUR D’APPEL ÉNONCÉ QU’AUCUNE PRESCRIPTION N’ETANT INVOQUÉE, LES CÉDANTS A L’ACTE DE 1920 NE POUVAIENT TRANSMETTRE PLUS DE DROITS QUE N’EN AVAIENT LEURS AUTEURS ;
QUE, CONTRAIREMENT A L’AFFIRMATION DU MOYEN EN SA PREMIÈRE BRANCHE, ELLE A, PAR DES MOTIFS NON HYPOTHÉTIQUES, EXPRIME LES RAISONS POUR LESQUELLES, DEVANT PROCÉDER A UNE INTERPRÉTATION NÉCESSAIRE DES TITRES CONTRADICTOIRES SOUMIS A SON EXAMEN, ELLE A ESTIME QUE LE FONDS DE DAME DEDOLIN N’ÉTAIT PAS RIVERAIN DU BIEF EN LITIGE ;
QU’AYANT, PAR CE SEUL MOTIF, ÉCARTÉ A BON DROIT L’APPLICATION DE L’ARTICLE 98 DU CODE RURAL, LA COUR D’APPEL A JUSTIFIE SA DÉCISION DE CE CHEF, ET QUE LE MOTIF CRITIQUE PAR LA TROISIÈME BRANCHE DU MOYEN EST SURABONDANT ;
ATTENDU, ENSUITE, QUE PAR ADOPTION DES MOTIFS NON CONTRAIRES DES PREMIERS JUGES, LA COUR D’APPEL ÉNONCÉ QUE LE BIEF EN CAUSE EST "UN OUVRAGE ARTIFICIEL ET DIFFÉRENT DU LIT DE LA RIVIÈRE" ET QU’IL A ÉTÉ, DES L’ORIGINE, CRÉE "A USAGE EXCLUSIF DU MOULIN" ;
QU’ELLE EN DEDUIT JUSTEMENT QUE LEDIT BIEF EST REPUTE APPARTENIR EN ENTIER AU PROPRIETAIRE DU MOULIN, ET CONSTATE QUE DAME DEDOLIN N’APPORTE PAS LA PREUVE CONTRAIRE DE CETTE PRESOMPTION ;
D’OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L’ARRET RENDU LE 20 JANVIER 1976 PAR LA COUR D’APPEL DE BOURGES.
Décision attaquée : Cour d’Appel Bourges (Chambre 1 ) 1976-01-20
Titrages et résumés 1) BORNAGE - Bornage amiable - Effets - Accord sur l’implantation des bornes - Reconnaissance de la propriété (non).
C’est à bon droit qu’une Cour d’appel déclare que le bief d’amenée d’eau est réputé appartenir en entier au propriétaire d’un moulin dès lors qu’elle relève que le bief en cause est un ouvrage artificiel et différent du lit de la rivière et qu’il a été dès l’origine créé à usage exclusif du moulin.
Précédents jurisprudentiels : CF. Cour de Cassation (Chambre civile 1) 1960-07-13 Bulletin 1960 I N. 394 p.323 (REJET). (1)
CF. Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1969-03-27 Bulletin 1969 III N. 270 p.206 (REJET). (2)
CF. Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1975-05-05 Bulletin 1975 III N. 153 (I) p.116 (REJET). (2)