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Publié : 8 février 2013

CONTENTIEUX DE PLEINE JURIDICTION : Les abus de pouvoir des préfets et la jurisprudence (Gérard Dupuis, sept 2006)

Par la loi n° 79-587, du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs, et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, le préfet est tenu de justifier ses décisions qui subordonnent l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives ou imposent des sujétions, retirent ou abrogent une décision créative de droit, ou refusent un avantage dont l’attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l’obtenir.

Doivent également être motivées les décisions administratives individuelles qui dérogent aux règles générales fixées par la loi ou le règlement.

La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision (articles 1, 2 et 3 de la loi).

Lorsque l’exploitant d’une micro centrale soumise à autorisation constatait des conditions de fonctionnement excessives ou injustifiées prescrites par l’arrêté préfectoral, il pouvait alors saisir la juridiction administrative en annulation pour excès de pouvoir.

Par exemple, la fixation du débit réservé au 1/10ème du module, au droit du barrage était considérée par l’administration comme une valeur plancher, qui n’est pas exclusive des autres dispositions régissant d’éventuels usages de l’eau (articles 104 et 109 du code rural).

« Que les conditions combinées que l’administration est tenue de prendre en compte pour déterminer le débit à maintenir dans le lit du cours d’eau peuvent conduire à fixer un débit supérieur… en fonction des particularités du cours d’eau (CE, 14 avril 1996, n°140965, MORTERA). »

Les décisions prises en application des articles L214-1 à L214-6 et L214-8 du code de l’environnement peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues à l’article L514-6 du même code.

Il ressort des dispositions combinées de l’article 29 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et de l’article 14 de la loi du 19 juillet 1976, relative aux installations classées pour la protection de l’environnement, que le contentieux des autorisations délivrées au titre de la loi sur l’eau est un contentieux de pleine juridiction.

Qu’en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi du 19 juillet 1976, le juge administratif peut aggraver ou compléter les prescriptions de l’arrêté d’autorisation, ou substituer aux règles fixées par le préfet, d’autres prescriptions techniques de nature à assurer la protection de l’environnement.

La motivation d’une décision s’apprécie au jour du jugement (CE, 27 novembre 1985, n° 48883).

Les conséquences de cette procédure nouvelle de recours administratif, instituées par l’article 29 de la loi sur l’eau, étaient passées inaperçues en 1992.

La décision qui consacre ce changement de nature du contentieux est l’arrêt du Conseil d’Etat du 21 mars 2004, GASTON, n° 250378).commentaire

Rien dans l’instruction de ce dossier ne justifiait les raisons pour lesquelles l’administration avait décidé de retenir une valeur du débit réservé supérieure au 1/10ème du module.

Le juge administratif s’est substitué au préfet pour remplacer ces débits arbitrairement fixés par les valeurs proposées et explicitées dans l’étude d’impact.

Dans une autre circonstance, concernant la pérennité du droit fondé en titre de l’usine et sa restauration, l’affaire SA LAPRADE ENERGIE (CE, 5 juillet 2004, n° 246929) puis l’affaire ARRIAU (CE, 16 janvier 2006, n° 263010), le juge de plein contentieux s’est prononcé sur l’existence du droit à l’usage de l’eau attaché au moulin, et au maintien de ce droit, malgré un chômage prolongé depuis plusieurs décennies, au motif :

« Si cet ouvrage est partiellement délabré, ses éléments essentiels ne sont pas dans un état de ruine tels qu’ils ne sont plus susceptibles d’être utilisés par son détenteur ; que dès lors, il doit être regardé comme fondé en titre et le moyen tiré que son exploitation serait soumise à autorisation selon les règles de droit commun ne peut être qu’écarté ».

La voie était ouverte par le Conseil d’Etat, plusieurs tribunaux administratifs vont s’y engager à leur tour.

Par son arrêté du 20 novembre 1997, le préfet du Puy de Dôme avait refusé la demande de M. GENDRE pour utiliser l’énergie du ruisseau de La Flay au motif que le débit réservé prévu à l’étude d’impact, ne se conformait pas aux prescriptions de l’article L232-5 du code rural.

L’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Lyon (3 mai 2005. n°00LY00582) annula cette décision au motif que la morphologie du lit naturel du ruisseau de régime torrentiel, dans le secteur d’implantation du projet ( nombreuses cascades infranchissables) était naturellement défavorable à la vie piscicole.

Le changement d’implantation d’une passe à poissons et d’une glissière à canoës sur le barrage d’une micro centrale n’est pas de nature à accroître le risque d’inondation justifiant une augmentation du débit réservé.

L’arrêté du préfet des Vosges n° 3198/2000 du 24 novembre 2000 est annulé en tant qu’il modifie le débit dérivé et son mode de délivrance par le tribunal administratif de Nancy le 28 septembre 2004 (n° 0100105, SCI GERECO).

L’étude d’impact de la micro centrale d’Etchaux, sur la Nive des Aldudes, proposait un débit réservé de 650 l/s, validé par le DIREN Aquitaine.

Le préfet des Pyrénées Atlantiques contesta cette estimation et imposa un débit de 1200 l/s fondé sur la valeur retenue à une installation située en amont de l’usine.

Le 21 février 2006, le tribunal administratif de Pau (n° 0400608, SH Moulin d’Etchaux) modifie l’autorisation préfectorale du 29 janvier 2004 :

Article 1er : échancrure calibrée alimentée en permanence à 0.4 m3/s ou le débit naturel si celui-ci est inférieur.

Article 2 : l’article 3 (5°) de l’arrêté n°95/EAU/002 du 16 janvier 1995 est modifié comme suit :

Du 1er janvier au 31 mai, débit réservé de 1030 l/s.

Du 1er juin au 31 décembre, débit réservé de 650 l/s ou le débit naturel de la rivière en amont si celui-ci est inférieur

En conclusion, l’article L214-6 du code de l’environnement modifié par l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 précise :

- II- Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992, sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section.

Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.

- V- Les dispositions du II sont applicables sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée intervenues avant la date de publication de l’ordonnance n°2005-805 du 18 juillet 2005.

Gérard DUPUIS