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Publié : 8 février 2013

réalisation sans autorisation, dans un cours d’eau douce, d’ouvrage ou de travaux dangereux pour le poisson (Cassation criminelle 23 mars 2004)

Travaux effectués par une commune sans autorisation

Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 23 mars 2004 Cassation

Actualisé le 6 mai 2004

Extraits

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LA COMMUNE DE MANTEYER,

contre l’arrêt de la cour d’appel de GRENOBLE, chambre correctionnelle, en date du 26 juin 2003, qui, pour réalisation sans autorisation, dans un cours d’eau douce, d’ouvrage ou de travaux dangereux pour le poisson, l’a condamnée à 1500 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 1411-1, L. 2211-1, L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales, L. 21 I -7, L. 214-3 et L. 432-3 du Code de l’environnement, L. 121-2 du Code pénal, 591, 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l’arrêt a déclaré la commune de Mantayer coupable d’avoir sans autorisation préalable installé ou aménagé des ouvrages ou exécutés des travaux ayant été de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d’alimentation ou de réserves de nourriture de la faune piscicole ;

"aux motifs adoptés qu’ "à la suite de diverses inondations provenant du débordement du torrent du Nacier qui sert d’exutoire au marais du Mantayer classé par arrêté de biotope, et, après s’être rapprochée des autorités administratives compétentes, le Conseil municipal de la commune de Manteyer a autorisé le Maire à réaliser des travaux sur les torrents de Rif la Ville et du Nacier et a sollicité du département une aide financière ;

que ces travaux de curage du torrent ont été faits jusqu’au niveau de la limite du seuil du pont du Nacier sans aucune autorisation des autorités concernées ; que le lit du torrent a été abaissé de 0,70 mètre et qu’ainsi l’habitat aquatique a été détruit ;

que contrairement aux allégations de la personne morale poursuivie, le Maire n’a pas agi dans le cadre de ses compétences de police auquel cas il n’aurait pas eu besoin d’être autorisé par le Conseil municipal s’agissant de pouvoirs propres mais en vertu de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement sur délégation du Conseil municipal afin d’assurer la défense contre les inondations, activité susceptible de faire l’objet de délégation de service public ;

que l’infraction reprochée est constituée" (arrêt attaqué, p. 3 7 à p. 4 1) ;

"alors, en premier lieu, qu’une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ;

qu’en affirmant que les travaux litigieux constituaient une activité par nature délégable au sens de l’article 211-7 du Code de l’environnement, sans vérifier si ceux-ci pouvaient être le siège d’une éventuelle rémunération substantiellement tirée du résultat de l’exploitation d’une activité de service public, la Cour d’appel a privé l’arrêt attaqué de toute base légale au regard des textes susvisés ;

"alors, en deuxième lieu, que l’application d’une décision de police du Maire est subordonnée à l’existence d’un crédit voté par le Conseil municipal lorsque cette décision de police ne peut être mise en oeuvre qu’après réalisation de certaines dépenses ;

qu’en déduisant de l’existence d’une délibération du conseil municipal que le Maire n’avait pas agi dans le cadre de ses pouvoirs de police sans constater que la mesure envisagée ne requérait pas la réalisation préalable de certaines dépenses, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

"alors, en troisième lieu, que la délibération du 31 mars 2000 énonce que "le Conseil municipal, après avoir entendu le Maire et après en avoir délibéré, autorise le Maire à réaliser des travaux sur les torrents de Rif La ville et du Nacier et sollicite du département une aide financière ;

sans indiquer, à aucun moment, qu’il se fondait sur l’article L. 211-7 du Code de l’environnement ;

qu’en affirmant que le Maire a agi en vertu de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement relatif aux travaux ou actions d’intérêt général ou d’urgence afin d’assurer la défense contre les inondations, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs ;

"alors, en quatrième lieu, que la commune soutenait dans ses conclusions d’appel (p. 6) que l’élément moral de l’infraction n’était pas constituée dès lors qu’elle ne pouvait pas avoir conscience d’un risque de destruction de frayères ou de lieux de vie piscicole dans le torrent du Nacier, ce dernier n’étant pas compris dans la délimitation de l’arrêté préfectoral de biotope du 26 mars 1986 assurant la protection du marais de la commune de Manteyer ;

qu’en confirmant la décision des premiers juges, sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions du prévenu, la cour d’appel a privé sa décision de motifs" ;

Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour déclarer la commune de Manteyer coupable de réalisation, sans autorisation ,dans un cours d’eau douce , d’ouvrage ou de travaux dangereux pour le poisson, l’arrêt attaqué énonce que le maire a ,en exécution d’une délibération du 31 mars 2000, agi en vertu de l’article L. 211-7 du Code de l’environnement sur délégation du conseil municipal afin de se protéger contre les inondations, activité susceptible de faire l’objet de délégation de service public ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi les travaux litigieux pouvaient permettre l’exploitation d’une activité ayant pour objet la gestion d’un service public et être le siège d’une éventuelle rémunération tirée du résultat de cette exploitation, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de GRENOBLE, en date du 26 juin 2003, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Lyon, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;