Cour Administrative d’Appel de Marseille 9 avril 2004
Considérant qu’il ressort des pièces et des écritures produites devant le Tribunal administratif de Montpellier que le préfet de l’Hérault a contesté dès la phase pré-contentieuse les droits fondés en titre au demeurant jamais produits par la SARL SATEN et pourtant revendiqués par celle-ci, dès lors qu’il a constaté leur inadaptation au projet réalisé par cette société ;
qu’en tout état de cause, s’agissant d’un argument développé en défense, il pouvait être invoqué à tout moment des instances ouvertes tant devant le Tribunal administratif de Montpellier que devant la cour administrative d’appel ;
Considérant qu’aucune disposition du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ne faisait obligation au tribunal administratif d’appeler à la cause M. X dès lors qu’à la date des décisions attaquées, celui-ci n’avait plus aucun droit ni titre sur les eaux et installations sises au lieudit du Seuil de Carabotte et qu’il ne pouvait, par suite, être partie aux instances ouvertes devant ce tribunal ;
Considérant qu’il ressort du jugement attaqué que pour apprécier l’existence et la consistance des droits fondés en titre revendiqués par la SARL SATEN ainsi que leur adéquation au projet en cause réalisé par cette dernière, le tribunal administratif ne s’est fondé que sur les éléments et les documents figurant dans le dossier produit par les parties à l’instance, en particulier sur ceux qui ont été fournis en défense par le préfet de l’Hérault, dont la réalité a d’ailleurs été confirmée par les écritures de la société requérante elle-même dans le cadre du débat contradictoire régulièrement mis en oeuvre par ledit tribunal ;
Considérant que le débat ouvert tant en première instance qu’en appel dans le cadre des recours examinés résulte de la contestation par le préfet de l’Hérault des caractéristiques d’une installation hydroélectrique qu’il a considéré comme étant inadaptées au lieu d’implantation et à l’environnement naturel ainsi que de la remise en cause de leur correspondance technique avec les droits revendiqués par l’exploitant ;
que, dans de telles circonstances, ce dernier ne peut sérieusement soutenir que la consistance légale de son installation n’ayant pas été remise en cause par l’autorité préfectorale, le tribunal administratif aurait sur ce point statué ultra petita ;
Considérant, enfin, que les requêtes enregistrées sous les n° 92-3267 et 94-1007 au greffe du Tribunal administratif de Montpellier concernaient la situation juridique et technique d’une même installation hydroélectrique, qu’elles présentaient, dès lors, à juger des questions semblables ;
qu’elles avaient en outre fait l’objet d’une instruction commune ;
que celui-ci a, par suite, pu régulièrement les joindre pour statuer par un seul jugement dès lors qu’il ressort de ce dernier que les premiers juges n’ont pas limité leur examen des deux instances au seul litige de plein contentieux et ont également statué de manière distincte sur les conclusions d’excès de pouvoir ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL SATEN n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait, pour les motifs susanalysés, est entaché d’irrégularité ;
Sur la légalité des décisions préfectorales des 18 novembre 1991 et 15 juillet 1992
Considérant qu’il est constant que les décisions susmentionnées du préfet de l’Hérault sont fondées sur les pouvoirs qu’il tient de l’article 109 du code rural dans sa rédaction alors en vigueur selon laquelle :Les autorisations ou permissions accordées pour l’établissement d’ouvrages ou d’usines sur les cours d’eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants :
1° dans l’intérêt de la salubrité publique, et notamment lorsque cette révocation ou cette modification est nécessaire à l’alimentation en eau potable de centres habités ou en est la conséquence ;
2° pour prévenir ou faire cesser les inondations ;
3° dans le cas de la réglementation générale prévue à l’article 104 du présent code ;
4° lorsqu’elles concernent les ouvrages établissant ou réglant le plan d’eau ou les établissements ou usines qui, à dater du jour de la publication du règlement d’administration publique prévu au présent article, n’auront pas été entretenus depuis plus de vingt ans ; toute collectivité publique ou tout établissement public intéressé peut, en cas de défaillance du permissionnaire ou du titulaire de l’autorisation, et à sa place, après mise en demeure par le préfet, exécuter les travaux qui sont la conséquence de la révocation ou de la modification de la permission ou de l’autorisation, le remboursement de ces travaux ;
5° pour des raisons de protection de l’environnement et notamment lorsque ces autorisations soumettent les milieux naturels aquatiques à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat.
Les dispositions du présent article sont applicables aux permissions ou autorisations accordées en vertu des articles 106 et 107 du présent code ou antérieurement à la mise en vigueur de ces dispositions, ainsi qu’aux établissements ayant une existence légale et aux entreprises autorisées en application du titre III de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique.
Les conditions d’application du paragraphe 4° du présent article seront fixées par un règlement d’administration publique. ;
Considérant, d’une part, qu’il ressort des pièces du dossier que la présence du barrage et de la micro centrale hydroélectrique réalisés par la SARL SATEN au lieudit le Seuil de Carabotte présentait des dangers certains pour les personnes, les biens et le milieu rural en raison, notamment, de l’incapacité de l’exploitant à réaliser les travaux rendus nécessaires par la configuration des lieux et l’activité du fleuve Hérault à l’emplacement précité ;
qu’ainsi, il est constant que les installations et le barrage mis en place par la société ont été détruits à deux reprises lors de crues survenues au cours des années 1991 et 1992 tout en étant à l’origine, par leur présence et leur inadaptation technique, de fortes érosions des berges, en détruisant partiellement plusieurs propriétés privées riveraines ainsi qu’un chemin de desserte existant ;
que la présence de cet édifice industriel en béton, qui constitue un obstacle artificiel à l’écoulement sans danger des eaux du fleuve, a de surcroît provoqué une érosion régressive du lit de ce dernier, mettant en péril, par effet induit, le seuil dit des Aurelles et les fondations du pont de Gignac situés en amont, provoquant également un détournement artificiel du fleuve sur les berges occupées par des propriétés publiques et privées ;
qu’enfin, les ouvrages ont été réalisés sans aucune mesure propre à assurer la libre circulation de la faune aquatique pourtant présente naturellement dans ce cours d’eau et ceci malgré les prescriptions notifiées à l’intéressée par l’administration préfectorale ;
Considérant, d’autre part, que les études réalisées par le bureau mandaté par la société elle-même ainsi que par la Mission Inter Service de l’Eau démontrent que la nouvelle installation hydroélectrique objet des litiges examinés, présente une implantation, une hauteur et une largeur intrinsèquement différentes de celles des ouvrages à l’origine de la simple prise d’eau autorisée à partir de 1851 ;
que l’enrochement modéré alors réalisé a été remplacé par des édifices en béton ayant eu pour effet de porter la chute d’eau initiale de 0,70 m à 3,50 mètres afin de transformer la force motrice naturelle alimentant le moulin traditionnel existant en 1851 en force hydraulique destinée au fonctionnement de turbines industrielles ;
qu’à supposer même que l’entreprise exploitante puisse se prévaloir d’un droit fondé en titre de prise d’eau naturelle, ce qui reste encore à établir en l’état du dossier produit, celui-ci ne pouvait, en tout état de cause, pas permettre l’exploitation de la micro centrale et du barrage construits par la SARL SATEN ni, surtout, faire obstacle à l’exercice des pouvoirs détenus par le préfet de l’Hérault en vertu des dispositions de l’article 109 du code rural ;
qu’enfin, la reconnaissance des droits que la requérante prétend pouvoir tirer d’un courrier de l’administration préfectorale en date du 6 mars 1989, lequel se bornait à enregistrer une situation de fait tout en édictant des conditions temporelles et techniques d’ailleurs jamais tenues par la SARL SATEN, ne faisait pas, non plus, obstacle à ce que le préfet mette en oeuvre les pouvoirs qu’il détenait afin d’assurer la sécurité et la salubrité des personnes et des biens concernés ;
Considérant qu’il suit de là, d’une part, que c’est légalement que le préfet de l’Hérault a pris les mesures destinées à faire cesser les dangers résultant de l’installation hydroélectrique du Seuil de Carabotte et qu’il a simultanément tiré les conséquences de sa décision en mettant en oeuvre les dispositions de l’article 8 bis de la loi modifiée du 8 avril 1946 afin de faire cesser l’activité correspondante ;
que d’autre part, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ; que c’est ainsi par une exacte appréciation des circonstances de droit et de fait que le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté les conclusions d’excès de pouvoir susanalysées ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que les conclusions dirigées contre la société BCEOM, dont la requérante ne conteste pas qu’elle a sollicité elle-même l’intervention afin de s’assurer, par commodité, de ce que ses travaux seraient bien conformes aux prescriptions édictées par les services de l’Etat, celles qui sont dirigées contre l’Etat et celles qui tendent à ce que soit ordonnée une expertise doivent être rejetées par adoption des motifs retenus par les premiers juges ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la SARL SATEN n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes ;
Sur les frais engagés non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante, soit condamné à payer à la SARL SATEN la somme qu’elle demande au titre des frais irrépétibles ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL SATEN est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL SATEN, à la société BCEOM et au ministre de l’écologie et du développement durable.
Une grande part des contentieux survenant en matière de droits fondés en titre vient du fait que leurs titulaires surestiment la plupart du temps l’ étendue (la consistance) de leurs droits. Mais quelle qu’ en soit la consistance, cela ne prive pas l’ autorité de police de son droit à en limiter l’ exercice - qui peut même aller dans certains cas jusqu’ à leur révocation – pour des motifs tirés de l’ intérêt général. En l’ espèce, l’ existence d’ un droit fondé n’ a pu être établie avec certitude et, quand bien même elle l’ aurait été, les désordres occasionnés par les ouvrages du point de vue de l’ écoulement des eaux ont été tels par le passé, que la mise en œuvre des dispositions de l’ article L. 215-10 du code de l’ environnement apparaît tout à fait justifiée.