Cour administrative d’appel de Nantes 28 mars 2001
Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée : "Les dispositions de la présente loi ont pour objet d’assurer une gestion équilibrée de la ressource en eau. Cette gestion équilibrée vise à assurer : - la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ... - la protection contre toute pollution et la restauration de la qualité des eaux superficielles et souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales ; - le développement et la protection de la ressource en eau ; - la valorisation de l’eau comme ressource économique et la répartition de cette ressource ; de manière à satisfaire ou à concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : ... - de la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ..." ;
qu’aux termes de l’article 27 de la même loi : "Indépendamment des poursuites pénales, en cas d’inobservation des dispositions prévues par la présente loi ou les règlements et décisions individuelles pris pour son application, le préfet met en demeure d’y satisfaire dans un délai déterminé ..." ;
qu’enfin, en vertu des dispositions du VII de son article 10, les installations et ouvrages existants devaient être mis en conformité, dans un délai de trois ans à compter de la date de publication de la loi du 3 janvier 1992, avec les dispositions réglementaires prises pour l’application de celle-ci et relatives à la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal de grande instance de Laval, que M. DE CROZE DE CLESMES est propriétaire, à Beaulieu-sur-Oudon, de l’étang de la Guéhardière, formé par un barrage dont l’établissement en travers du cours de l’Oudon, pour les besoins du fonctionnement d’un moulin, a été autorisé par ordonnance royale du 7 septembre 1840, laquelle dispose, notamment, que : "3 La tenue des eaux au-dessus du déversoir de chaque moulin ne devra jamais être de plus de 0,03 m." ;
que si ce barrage joue un rôle d’écrêtement des crues de faible ou moyenne ampleur de l’Oudon, ses caractéristiques se sont révélées insuffisantes lors de crues importantes et rapides survenues en 1993 et 1995 et favorisées, en périodes de précipitations abondantes, par les aménagements fonciers et les travaux réalisés sur les terrains du bassin versant de cette rivière au cours des années antérieures aussi bien que par le fonctionnement d’autres barrages situés en amont ;
qu’en particulier, la hauteur de relèvement des six vannes qui équipent le pertuis de l’ouvrage ne permet pas en pareil cas une gestion appropriée du volume d’eau retenu dans l’étang, au risque de provoquer l’inondation des propriétés placées en aval du fait d’une surverse ou bien, pour éviter celle-ci, d’un lâcher brutal d’eau par relèvement forcé des vannes au-delà de ce que permet normalement leur système de commande ;
que l’effet de cette inadaptation du barrage de la Guéhardière à l’évolution du régime de l’Oudon, qui, ainsi que l’a constaté l’expert, fait qu’il est impossible de respecter en permanence la disposition susmentionnée de l’ordonnance du 7 septembre 1840 qui prescrit une hauteur maximale d’eau de 0,03 m. au-dessus du déversoir, a été accru par l’absence d’ouverture préalable des vannes, afin d’éviter toute montée excessive des eaux dans l’étang, en période de fort risque de crues ;
que, par ailleurs, tant une fragilité de la digue à hauteur de la rive droite que l’apparition de suintements en aval, après une forte montée en charge de la retenue, ont été constatés ;
que, pour soutenir qu’il ne pouvait être personnellement tenu aux mesures qu’appelait la situation ci-dessus décrite, M. DE CROZE DE CLESMES ne peut utilement se prévaloir d’une convention relative à des travaux de rénovation et de modification des ouvrages de la Guéhardière qu’il a signée avec le vice-président du syndicat du bassin de l’Oudon, le 28 mars 1994, et qui, en tout état de cause, n’a jamais été approuvée par le comité du syndicat ;
que, dans ces conditions, le préfet de la Mayenne a pu légalement, sur le fondement des dispositions susmentionnées de la loi du 3 janvier 1992, mettre M. DE CROZE DE CLESMES en demeure, d’une part, de faire réaliser une étude d’aménagement des ouvrages du barrage de la Guéhardière permettant de respecter en permanence la hauteur maximale d’eau au-dessus du déversoir prescrite par l’ordonnance du 7 septembre 1840 et de réaliser dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’accord des services de l’Etat les travaux préconisés par cette étude et, d’autre part, en ce qui concerne les mesures visant à prévenir tout risque durant l’hiver 1995/1996, de maintenir les vannes relevées pendant une période de six mois, afin que le bas de ces vannes soit en permanence au-dessus du niveau d’eau de l’étang ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. DE CROZE DE CLESMES n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 7 novembre 1995 du préfet de la Mayenne ;
Considérant, par ailleurs, qu’il n’appartient pas à la Cour de donner acte à M. DE CROZE DE CLESMES qu’il se réserve de réclamer ultérieurement l’indemnisation d’un préjudice consécutif à l’abaissement du niveau de l’eau dans l’étang de la Guéhardière dû aux mesures prescrites par le préfet de la Mayenne ; que les conclusions à cette fin doivent, par suite, en tout état de cause, être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. DE CROZE DE CLESMES est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. DE CROZE DE CLESMES et au ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.
Ouvrage ancien de retenue en travers d’ un cours d’ eau – Risques d’ inondation aggravés par la fragilité de l’ ouvrage – Mise en demeure de réaliser une étude et les mesures qu’ elle préconise – Légalité (OUI).
« Considérant qu’ il résulte de l’ instruction, et notamment du rapport de l’ expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval, que M. de Croze de Clesmes est propriétaire à Beaulieu-sur-Oudon, de l’ étang de la Guéhardière, formé par un barrage dont l’ établissement en travers du cours de l’ Oudon, pour les besoins du fonctionnement d’ un moulin, a été autorisé par ordonnance royale du 7 septembre 1840 ; (…)que, par ailleurs, tant une fragilité de la digue à hauteur de la rive droite que l’ apparition de suintements en aval, après une forte montée en charge de la retenue, ont été constatés ; (…) que, dans ces conditions, le préfet de la Mayenne a pu légalement, sur le fondement des dispositions de la loi du 3 janvier 1992, mettre M. de Croze de Clesmes en demeure, d’ une part, de faire réaliser une étude d’ aménagement des ouvrages du barrage de la Guéhardière permettant de respecter en permanence la hauteur maximale d’ eau au-dessus du déversoir prescrite par l’ ordonnance du 7 septembre 1840 et de réaliser dans un délai de trois mois à compter de la notification de l’ accord des services de l’ Etat les travaux préconisés par cette étude et, d’ autre part, en ce qui concerne les mesures visant à prévenir tout risque durant l’ hiver 1995/1996, de maintenir les vannes relevées pendant une période de six mois, afin que le bas de ces vannes soit en permanence au-dessus du niveau d’ eau de l’ étang ; (…) ».
Cour administrative d’ appel de Nantes, 28 mars 2001 n°97NT02548
Un étang formé par un barrage établi en travers de l’ Oudon a été autorisé par ordonnance royale du 7 septembre 1840 qui fixe une hauteur maximale des eaux à respecter au-dessus du déversoir. Si cet ouvrage peut jouer un rôle d’ écrêtement des crues de faible ou de moyenne ampleur, ses caractéristiques se sont révélées insuffisantes lors de crues importantes survenues en 1993 et 1995, favorisées par les aménagements fonciers et les travaux réalisés sur le bassin versant au cours des années antérieures, ainsi que par le fonctionnement d’ autres barrages situés en amont. Une telle évolution rendant impossible le respect de la prescription édictée en 1840 et, de surcroît, une fragilité de la digue ayant été constatée, le préfet a mis son propriétaire en demeure de réaliser sur le fondement de l’ article 27 de la loi sur l’ eau (article L.216-1 du code de l’ environnement) une étude et d’ en respecter les préconisations dans un délai donné, mesure admise par le juge. En effet, il n’ est pas aberrant qu’ un ouvrage ancien même légalement autorisé, puisse faire l’ objet de nouvelles prescriptions de mise en conformité dès lors que les circonstances de fait et de droit n’ ont pu que changer sur une telle durée. Toutefois, la mise en demeure de procéder aux nécessaires modifications doit être motivée, ce qui est le cas, par des préoccupations d’ intérêt général, s’ agissant en particulier de la satisfaction des exigences de la sécurité publique.