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Publié : 12 février 2013

Classement en « rivières réservées » (2001)

Conseil d’Etat 27 juillet 2001

le GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D’ENERGIE HYDROÉLECTRIQUE demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret n° 99-1138 du 27 décembre 1999 complétant la liste des cours d’eau classés en application de l’article 2 de la loi du 16 octobre 1919 modifiée relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique, tel qu’il a été modifié par l’article 25 de la loi du 15 juillet 1980 et par l’article 8-III de la loi du 29 juin 1984 : " ( ...) Afin de protéger la nature, la faune et la flore, des dispositions réglementaires définiront les conditions techniques d’aménagement et de fonctionnement des centrales électriques( ...) Sur certains cours d’eau ou sections de cours d’eau dont la liste sera fixée par décret en Conseil d’Etat, aucune autorisation ou concession ne sera donnée pour des entreprises hydrauliques nouvelles ( ...)" ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le comité consultatif des forces hydrauliques a été créé par l’article 31 de la loi du 16 octobre 1919 qui en déterminait la composition en fonction du régime d’utilisation de l’énergie hydraulique institué par cette loi, lequel permettait d’attribuer, sous certaines conditions, des concessions et des autorisations à des entreprises privées ;

que cette composition est inconciliable avec les prescriptions de la loi du 8 avril 1946 qui a nationalisé la production, le transport, la distribution, l’importation et l’exportation de l’électricité et a confié ces diverses opérations à un établissement public ;

qu’il suit de là qu’en l’absence de tout texte ayant, à la date à laquelle le décret attaqué a été pris, adapté la composition du comité consultatif des forces hydrauliques au régime de nationalisation de l’électricité édicté par la loi du 8 avril 1946, la consultation de cet organisme, prescrite à titre obligatoire par l’article 31 de la loi du 16 octobre 1919 pour tous les projets de textes pris en application de ladite loi, était impossible ;

que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’omission de cette formalité aurait entaché d’irrégularité la procédure suivie doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que la mission interministérielle de l’eau, consultée préalablement à l’intervention du décret attaqué en application de l’article 2 du décret susvisé du 27 février 1987, s’est prononcée, dans ses séances des 9 décembre 1998 et 24 juin 1999, sur toutes les questions soulevées par le décret attaqué ;

qu’aucun texte législatif ou réglementaire n’obligeait le gouvernement à l’informer des demandes d’autorisation et de concession portant sur les cours d’eau ou sections de cours d’eau dont le classement était envisagé ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte des indications fournies par le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement, non contredites par le groupement requérant, qu’aucun de ces cours d’eau ou sections de cours d’eau n’est inclus dans le périmètre d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux ;

qu’ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le projet de décret devait être soumis aux commissions locales de l’eau doit être écarté ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant, en premier lieu, que le groupement requérant n’indique pas les incompatibilités qui pourraient exister entre le décret attaqué et les orientations des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux "Adour-Garonne" et "Loire-Bretagne" ;

Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance qu’étaient à l’étude des demandes d’autorisation et de concession portant sur les cours d’eau ou sections de cours d’eau dont le classement était envisagé ne faisait pas obstacle à l’intervention du décret attaqué ;

Considérant, en troisième lieu, que le décret attaqué procède des dispositions précitées de l’article 2 de la loi modifiée du 16 octobre 1919 ;

qu’ainsi, le groupement requérant ne peut utilement soutenir qu’il porterait une atteinte illégale à la liberté du commerce et de l’industrie ;

Considérant, en quatrième lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier qu’eu égard à l’intérêt qui s’attache à la préservation de la faune et de la flore du cours supérieur de la Moselle dans le département des Vosges, de l’Adour dans les départements des Landes et des Pyrénées-Atlantiques, et du Gave de Pau dans le département des Pyrénées-Atlantiques, le gouvernement ait commis une erreur d’appréciation en interdisant l’installation d’entreprises hydrauliques nouvelles sur ces cours d’eau de préférence à la simple édiction de mesures techniques d’aménagement et de fonctionnement ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D’ENERGIE HYDROÉLECTRIQUE n’est pas fondé à demander l’annulation du décret attaqué ;

DÉCIDÉ :

Article 1er : La requête du GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D’ENERGIE HYDROÉLECTRIQUE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT DES PRODUCTEURS AUTONOMES D’ENERGIE HYDROÉLECTRIQUE, au Premier ministre et au ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.


La décision de classement en « rivières réservées » sur lesquelles aucune autorisation ou concession n’ est susceptible d’ être accordée pour les entreprises hydrauliques nouvelles est couverte par l’ erreur manifeste d’ appréciation, le juge n’ exerçant qu’ un contrôle restreint notamment au regard de l’ intérêt que présente le classement pour la préservation de la faune et de la flore aquatiques.