Conseil d’Etat 22 octobre 1999
Sur la recevabilité de la requête d’appel :
Considérant, d’une part, que la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE PÊCHE ET DE PISCICULTURE DU PUY-DE-DÔME à qui le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 7 décembre 1993 a été notifié le 16 décembre 1993 ne s’est jointe à l’appel formé par d’autres associations contre ce jugement que le 15 juin 1999 ; qu’ainsi la requête, en tant qu’elle émane de cette fédération, est tardive et donc irrecevable ;
Considérant, d’autre part, que l’association FONDS MONDIAL POUR LA NATURE-FRANCE, l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIÈRES (T.O.S.), l’ASSOCIATION D’ETUDE ET DE DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT LIMAGNE-COMBRAILLE et l’ASSOCIATION S.O.S.-LOIREVIVANTE n’ont pas d’intérêt à contester l’article 1er du jugement attaqué qui annule, sur leur demande, l’article 8 de l’arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 10 mars 1993 ; que leur requête d’appel est donc irrecevable sur ce point ;
Sur la régularité du jugement de première instance :
Considérant, d’une part, que, contrairement à ce qu’elle soutient, l’association FONDS MONDIAL POUR LA NATURE-FRANCE ne justifie pas, eu égard au caractère très général de son objet social tel qu’il résulte de l’article 1er de ses statuts, d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté du préfet du Puy-de-Dôme portant règlement d’eau pour la construction et l’exploitation du barrage réservoir du Sep ;
qu’en revanche, en vertu des articles 1er et 2 de ses statuts, l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES a vocation à agir sur l’ensemble du territoire national notamment pour assurer la qualité des eaux et la protection des espèces piscicoles et que l’ASSOCIATION S.O.S.- LOIRE VIVANTE a pour objet de s’opposer à toute forme de barrage sur l’ensemble du bassin de la Loire et de grouper toutes personnes physiques ou morales pour oeuvrer à la protection de la Loire et de ses affluents ;
qu’ainsi ces deux associations avaient intérêt et qualité pour agir contre l’arrêté préfectoral du 10 mars 1993 ;
Considérant, d’autre part, que les statuts de l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES et ceux de l’ASSOCIATION S.O.S.-LOIRE VIVANTE habilitent leur président à agir en justice en leur nom ;
qu’en revanche, les statuts de l’ASSOCIATION D’ETUDE ET DE DEFENSE DE L’ENVIRONNEMENT LIMAGNE-COMBRAILLE n’autorisent pas le président de cette association à la représenter en justice ;
qu’en l’absence dans ces derniers statuts de toute stipulation désignant l’organe habilité à agir en justice au nom de l’association, seule l’assemblée générale pouvait autoriser le président à engager une action au nom de l’association ;
que l’autorisation donnée au président par le bureau du conseil d’administration auquel les statuts ne donnent pas compétence en la matière ne peut tenir lieu d’habilitation régulière ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que seules l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIÈRES et l’ASSOCIATION S.O.S.-LOIRE VIVANTE sont fondées à demander l’annulation de l’article 2 du jugement attaqué en tant qu’il rejette comme non recevable leur demande d’annulation de l’arrêté du 10 mars 1993 ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par lesdites associations devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Sur la légalité externe de l’arrêté attaqué :
Considérant que, selon le second alinéa de l’article 2 du décret susvisé du 13 juin 1966, le comité technique permanent des barrages est obligatoirement consulté "sur les avant-projets et les projets d’exécution des barrages d’une hauteur au moins égale à 20 mètres au-dessus du point le plus bas du terrain naturel" ;
qu’il est constant que le comité technique permanent des barrages a été régulièrement consulté sur le projet de barrage à construire sur le Sep ;
que la décision prise au cours de la procédure de créer un barrage secondaire d’une hauteur maximale de six mètres, destiné à contenir 300 000 m3 d’eau à l’intérieur de la retenue constituée par le barrage précédemment soumis au comité technique, ne constituait pas une modification substantielle du projet initial nécessitant une nouvelle consultation du comité ;
Considérant que l’étude d’impact produite par le syndicat mixte pourl’aménagement de la Haute Morge et mise à la disposition du public lors de l’enquête hydraulique répond aux conditions prévues par l’article 2 du décret du 12 octobre 1977 susvisé ;
que le défaut de mention, parmi la faune aviaire recensée, du hibou grand duc dont la présence sur le site n’est d’ailleurs pas établie, ne saurait suffire à qualifier l’étude d’insuffisante ;
que la possibilité de réaliser un système de stockage collinaire des eaux a fait l’objet d’un examen ;
que les mesures compensatoires envisagées par le maître de l’ouvrage sont suffisamment décrites ;
que la prétendue erreur d’interprétation des données relatives au risque d’eutrophisation des eaux du barrage n’est assortie d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien-fondé ;
qu’ainsi le moyen tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact manque en fait ;
Sur la légalité interne de l’arrêté attaqué :
Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 2 du décret du 1er août 1905 portant règlement d’administration publique sur le régime des eaux : "Dans tous les cas, le pétitionnaire doit, en outre, justifier qu’il a la libre disposition du sol sur lequel les ouvrages doivent être exécutés et notamment celle des rives dans le cas où un barrage doit être établi" ;
qu’il est constant qu’à la date de l’intervention de l’arrêté litigieux du 10 mars 1993, le syndicat mixte pour l’aménagement de la Haute Morge, pétitionnaire, était propriétaire de la quasi totalité des terrains nécessaires pour la construction du barrage projeté sur le Sep ;
que, par l’effet de l’acte déclaratif d’utilité publique du 9 mars 1993 devenu définitif, il bénéficiait de l’autorisation de poursuivre l’expropriation des parcelles dont il n’était pas encore propriétaire ;
que, par suite, le moyen tiré de ce que le syndicat mixte n’avait pas la libre disposition des terrains, doit être écarté ;
Considérant que l’arrêté du 10 mars 1993 précise dans ses articles 5, 8, 10, 11, 12 et 13 les obligations du syndicat mixte pour l’aménagement de la Haute Morge et les mesures qu’il doit mettre en oeuvre pour assurer, sous le contrôle des ingénieurs chargés de la police des eaux, le maintien en bon état de l’ouvrage et le respect des règlements existants ;
que le moyen tiré de l’absence, dans l’arrêté attaqué, de dispositions relatives au curage de l’ouvrage manque en fait ;
Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 97-1 du code rural alors en vigueur relatif à la faculté de prévoir dans l’acte déclaratif d’utilité publique de travaux ayant pour objet ou pour conséquence la régularisation du débit d’un cours d’eau non domanial, la fixation d’un débit réservé et d’un débit affecté est inopérant à l’encontre de l’arrêté attaqué ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation de l’arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 10 mars 1993 ;
DECIDE :
Article 1er : L’article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 7 décembre 1993 est annulé en tant qu’il rejette comme non recevables les demandes de l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIERES et de l’ASSOCIATION SOS-LOIRE VIVANTE.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand par l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIÈRES et par l’ASSOCIATION S.O.S.-LOIRE VIVANTE et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association FONDS MONDIAL POUR LA NATURE-FRANCE, à l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET DES RIVIÈRES, à l’ASSOCIATION D’ETUDE ET DE DÉFENSE DE L’ENVIRONNEMENT LIMAGNE-COMBRAILLE, à l’ASSOCIATION S.O.S.-LOIRE VIVANTE, à la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES ASSOCIATIONS AGRÉÉES DE PÊCHE ET DE PISCICULTURE DU PUY-DE-DÔME et au ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement.
Ne constitue pas une modification substantielle du projet initial, d’ un barrage-réservoir nécessitant de recueillir l’ avis du comité technique permanent des barrages, la création d’ un barrage secondaire de moins de 20 mètres de haut au dessus du point le plus bas du terrain naturel - seuil de consultation obligatoire imposé par le décret du 13 juin 1966, art. 2-.