Cour administrative d’appel
2 août 2007
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la SCI GERECO a obtenu par deux arrêtés du préfet des Vosges en date du 9 décembre 1997 l’autorisation de disposer pour 40 ans de l’énergie hydroélectrique de la rivière Moselle par la mise en place des usines hydroélectriques des Acacias à Golbey et de La Gosse à Epinal ;
qu’elle a fait réaliser à compter de mai 1999 des travaux de construction d’une micro-centrale électrique au lieu dit « usine hydroélectrique de la Gosse » à Epinal, comportant notamment la mise en place d’un batardeau situé en rive gauche de la Moselle, susceptible d’avoir renvoyé les eaux sur l’autre rive et accéléré son érosion ;
que le terme de ces travaux était fixé dans la convention d’occupation temporaire du domaine public fluvial au 31 octobre 1999 ;
que le 25 octobre 1999, une forte crue annuelle de la Moselle a entraîné un effondrement d’une partie de la berge, côté rive droite, à environ 50 m du barrage de La Gosse, sur une longueur de 50 mètres et une profondeur d’environ 10 mètres ;
que par l’arrêté susmentionné en date du 12 novembre 1999, le préfet de Vosges a mis en demeure le directeur de la SCI GERECO d’interrompre à la date de notification de l’arrêté les travaux entrepris, de mettre en sécurité le site afin de ne pas porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens, de restaurer le libre écoulement des eaux en garantissant des sections d’écoulement identiques aux sections initiales, enfin de présenter dans un délai d’un mois un projet de remise en état de la berge érodée en prévoyant une solution temporaire pour l’hiver 1999-2000 ;
que par l’arrêté susmentionné du 6 mars 2000, le préfet des Vosges a, pour le barrage de La Gosse, suspendu les droits d’eau accordés par l’arrêté précédent du 9 décembre 1997, interdit la poursuite des travaux sur le domaine public fluvial et prescrit la réalisation d’études et d’une expertise sur les mesures à prendre pour stabiliser la berge et évaluer la conformité des travaux à l’autorisation ;
Considérant que par deux jugements définitifs du 16 octobre 2001, le Tribunal administratif de Nancy a annulé les arrêtés n° 2865/99 du 12 novembre 1999 et n° 568/2000 du 6 mars 2000 du préfet des Vosges, pour méconnaissance respectivement de la procédure contradictoire prévue à l’article 8 du décret du 28 novembre 1983 pour le premier et de l’obligation de mise en demeure préalable résultant de l’article 27 de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 pour le second ;
que par le jugement attaqué en date du 1er mars 2005, le Tribunal administratif de Nancy considérant que la SCI GERECO n’apportait aucun élément de nature à démontrer que l’administration aurait pris une décision différente si elle s’était fondée sur une procédure régulière, a rejeté ses conclusions tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de ces illégalités ;
Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la SCI GERECO ait bénéficié d’un classement sans suite par le parquet d’Epinal le 2 juillet 2003 des divers procès-verbaux d’infraction dressés par le service de la navigation, est, en tout état de cause, sans incidence sur l’appréciation du bien-fondé des mesures prescrites par les arrêtés annulés dès lors que l’autorité de la chose jugée en matière pénale ne s’attache qu’aux décisions des juridictions de jugement qui statuent sur le fond de l’action publique ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 18 de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 211-5 du code de l’environnement : « Le préfet et le maire intéressés doivent être informés, dans les meilleurs délais par toute personne qui en a connaissance, de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux. La personne à l’origine de l’incident ou de l’accident et l’exploitant ou, s’il n’existe pas d’exploitant, le propriétaire, sont tenus, dès qu’ils en ont connaissance, de prendre ou faire prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à la cause de danger ou d’atteinte au milieu aquatique, évaluer les conséquences de l’incident ou de l’accident et y remédier. Le préfet peut prescrire aux personnes mentionnées ci-dessus les mesures à prendre pour mettre fin au dommage constaté ou en circonscrire la gravité et, notamment les analyses à effectuer. En cas de carence, et s’il y a un risque de pollution ou de destruction du milieu naturel, ou encore pour la santé publique et l’alimentation en eau potable, le préfet peut prendre ou faire exécuter les mesures nécessaires aux frais et risques des personnes responsables (…) » ;
qu’aux termes de la première phrase de l’article 27 de la même loi dont les dispositions sont désormais reprises au I de l’article L. 216-1 du code de l’environnement : « Indépendamment des poursuites pénales, en cas d’inobservation des dispositions prévues par la présente loi ou les règlements et décisions individuelles pris pour son application, le préfet met en demeure d’y satisfaire dans un délai déterminé. Si, à l’expiration du délai fixé, il n’a pas été obtempéré à cette injonction par l’exploitant ou par le propriétaire de l’installation s’il n’y a pas d’exploitant, le préfet peut : l’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant à l’estimation du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée au fur et à mesure de leur exécution (…), faire procéder d’office, sans préjudice de l’article 18 (…) aux frais de l’intéressé, à l’exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application des dispositions ci-dessus peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office » ;
que contrairement à ce qui est soutenu par la SCI GERECO, le jugement du 28 septembre 2004 du Tribunal administratif de Nancy annulant l’arrêté n° 3198/2000 du 24 novembre 2000 en tant qu’il modifie le débit réservé et son mode de délivrance se fonde sur l’application des dispositions de l’article 10-IV de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992, codifié à l’article L. 214-4 du code de l’environnement, alors que l’arrêté du 12 novembre 1999 vise l’article 18 précité de la même loi du 3 janvier 1992 ;
que la requérante ne peut donc utilement soutenir qu’il se déduirait de ce jugement un défaut de base légale entachant l’arrêté du 12 novembre 1999 ;
que si la société requérante soutient ensuite que ledit article 18 de la loi du 3 janvier 1992 n’autorisait pas à la mettre en demeure de réaliser des travaux de sécurisation des berges, alors qu’elle n’était ni propriétaire ni exploitante de celles-ci, ni responsable de leur état, le préfet pouvait légalement lui enjoindre l’exécution des mesures susmentionnées dès lors qu’ainsi qu’il résulte de l’instruction, les travaux qu’elle faisait accomplir sur la rive opposée en tant qu’exploitant de l’usine hydroélectrique de La Gosse ont été de nature à aggraver, sous l’action des crues, la forte érosion de la berge ;
Considérant, en troisième lieu, que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que l’urgence avait disparu à la date de l’adoption de l’arrêté du 12 novembre 1999, dès lors qu’il résulte de l’instruction, d’une part, que les travaux de confortement des berges dont le principe avait été décidé lors de deux réunions des 26 octobre et 5 novembre 1999, n’ont été achevés que postérieurement, le 23 novembre 1999 et que le dispositif mis en place par cet arrêté concernait l’ensemble de la période de crue hivernale et non les seules conséquences de la crue du 26 octobre 1999 ;
qu’elle ne démontre pas, en outre, dans ces circonstances, que le respect du caractère contradictoire de la procédure, dont l’absence a été sanctionnée par le tribunal, aurait conduit l’administration à prendre des mesures différentes ;
Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que la réalisation des études prescrites par l’arrêté n° 568/2000 du 6 mars 2000 a permis que soit décidée la levée de la mesure de suspension par l’arrêté du préfet des Vosges du 24 novembre 2000 n’est pas, à elle seule, de nature à démontrer l’inutilité des mesures de prévention ainsi prescrites ;
Considérant, en cinquième lieu, que, les deux arrêtés du 12 novembre 1999 et du 6 mars 2000 n’ayant, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, pas le même objet, la SCI GERECO ne peut utilement soutenir que la suspension décidée le 6 mars 2000 était inutile dès lors qu’elle s’était déjà conformée à la mise en demeure du 12 novembre 1999, dont il ne résulte pas de ce qui précède qu’elle n’était pas justifiée, d’interrompre les travaux entrepris et de mettre en sécurité le site ;
Considérant, enfin, que le « relevé de conclusions » de la réunion du 24 février 2000 ne fait état, en tout état de cause, que d’études qui devront être réalisées ;
que la SCI GERECO n’est donc pas fondée à exciper de l’inutilité de la prescription de ces études par l’arrêté du 6 mars 2000 au motif qu’elle les aurait déjà fait effectuer ;
Considérant qu’il ne résulte pas de ce qui précède, comme l’ont estimé les premiers juges en ce qui concerne les arrêtés n° 2865/99 du 12 novembre 1999 et n° 568/2000 du 6 mars 2000 du préfet des Vosges, que l’administration aurait pris des décisions différentes si elle s’était fondée sur une procédure régulière ;
que la SCI GERECO n’est donc pas fondée à demander à être indemnisée des dépenses qu’elle a dû supporter pour l’exécution de ces mesures ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI GERECO est rejetée.