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Publié : 27 février 2013

Une commune n’a pas le droit de faire des travaux qui baissent le niveau d’un bief fondé en titre, mais cela n’autorise pas forcément le propriétaire à rehausser son barrage (2006 )

Cour Administrative d’Appel de Nancy, 4 août 2006

Mme X demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0300504 du 24 mai 2005 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que la commune d’Apach soit déclarée responsable de l’assèchement du bief alimentant son moulin, condamnée à lui verser une indemnité et à ce que soit reconnu le caractère irrégulier de la pose d’une canalisation sous sa propriété ;

2°) de condamner la commune d’Apach à lui verser la somme de 45 293,99 euros au titre des travaux qu’elle a dû réaliser et des conséquences du jugement du Tribunal de Grande Instance de Thionville ;

3°) d’ordonner la destruction de la canalisation construite sur son fond ;

4°)de condamner la commune d’Apach au paiement d’une somme de 4 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme X soutient que :

- le tribunal n’a pas pris en compte les éléments développés et apportant la preuve que son moulin était titré ;

- si elle a été condamnée par le Tribunal de Grande Instance de Thionville c’est en raison des travaux qu’elle a dû réaliser pour remédier à l’assèchement de son bief ;

- aucun accord n’avait été donné pour le passage d’une canalisation sous sa propriété ;

La commune d’Apach fait valoir que :

- la requête de Mme X est irrecevable pour cause de tardiveté ;

- l’ouvrage de Mme X n’a pas fonctionné dans des conditions régulières ;

- il y a eu accord pour la pose de la canalisation d’assainissement ;

- la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt était maître d’oeuvre des travaux ;

Considérant que Mme X est propriétaire, sur le ban de la commune d’Apach, d’une parcelle construite d’un moulin alimenté en eau à partir d’un bief comportant une prise d’eau sur le ruisseau dit ruisseau d’Apach longeant sa propriété ;

que, suite à des inondations se produisant à l’occasion de pluies violentes, la commune d’Apach a fait réaliser, en 1991, des travaux de curage de ce ruisseau qui ont eu pour effet d’en abaisser le niveau empêchant, par cela, le bief d’être alimenté en eau ;

que pour permettre, à nouveau, son alimentation, Mme X a fait réaliser, en 1993, de nouveaux travaux consistant, notamment, en un rehaussement du barrage existant sur le ruisseau pour en élever le niveau et en la mise en place d’un nouveau barrage avec une vanne à l’entrée du bief ;

que par jugement en date du 2 juillet 1999 du Tribunal de Grande Instance de Thionville, Mme X, sur la plainte de voisins à nouveau victimes d’inondations, a été condamnée à supprimer ses installations et au paiement de dommages et intérêts ;

que, par le jugement attaqué, a été rejetée la demande de Mme X tendant, d’une part, à ce que la commune d’Apach soit condamnée à lui payer la somme de 45 293,99 euros correspondant au coût des travaux réalisés en 1993 et à celui de ceux nécessaires à la remise en état des lieux, d’autre part, à ce que soit constatée la réalité d’une emprise irrégulière consistant en la pose d’une canalisation souterraine sur sa propriété, en 1991, avec renvoi devant les juridictions judiciaires pour la fixation de l’indemnisation qui lui est due ;

Sur les conclusions tendant à ce que la commune d’Apach soit condamnée à payer à Mme X la somme de 45 293,99 euros au titre des travaux et des conséquences du jugement du Tribunal de Grande Instance de Thionville :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, notamment d’un document intitulé « Dénombrement des biens seigneuriaux et usines de la Maison de Morbach dressé par Monsieur de Morbach en 1600 », que le moulin de Mme , dit « ... » ou « ... », alimenté à partir du ruisseau d’Apach, existait, en tant que moulin, depuis cette date soit avant l’abolition des droits féodaux de 1789 ;

qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date ;

que, dans ces conditions, Mme X est fondée à soutenir que la commune d’Apach, en réalisant des travaux de curage du ruisseau d’Apach en 1991, qui ont eu pour conséquence de baisser le niveau d’eau du bief alimentant son moulin, l’a privée de son droit d’eau fondé en titre ;

Considérant, toutefois, que Mme ne démontre pas que les travaux qu’elle a, alors, entrepris pour rétablir ce droit d’eau n’auraient pas eu pour effet, comme le souligne au demeurant l’expert intervenu lors de la procédure judiciaire, d’accroître l’alimentation en eau de son bief en portant la consistance de son droit d’eau au-delà de celle de 1991 ;

que, par ailleurs, le préjudice, consécutif à son obligation de remise en état des lieux, dont elle demande réparation à la commune d’Apach ne trouve pas sa cause déterminante dans les travaux de curage du ruisseau réalisés par la commune mais dans sa condamnation par le Tribunal de Grande Instance de Thionville ;

que les conclusions de Mme tendant à la condamnation de la commune d’Apach ne peuvent, dès lors, qu’être rejetées ;

Sur les autres conclusions de la requête :

Considérant qu’il n’appartient pas aux juridictions administrative de connaître directement de conclusions tendant à ce que soit constatée l’irrégularité d’une emprise sur une propriété privée ;

qu’elles ne peuvent être saisies de conclusions de cette nature que sur renvoi préjudiciel de l’autorité judiciaire ;

qu’en outre il n’appartient pas au juge administratif d’adresser des injonctions à l’administration en dehors des cas limitativement prévus par la loi ;

que les autres conclusions de la requête de Mme X, sont, dès lors, irrecevables et ne peuvent qu’être rejetées ;

Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que Mme X n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

qu’en revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de condamner Mme X à payer à la commune d’Apach la somme de 1 500 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

Article 2 : Mme X est condamnée à payer à la commune d’Apach la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Janine X, à la commune d’Apach et au ministre de l’écologie et du développement durable.