Cour Administrative d’Appel de Bordeaux 4 novembre 2003
Considérant que M. X est propriétaire d’un immeuble comportant un moulin dit moulin de Saint-Blancard , alimenté par les eaux de la rivière la Gimone et dont il n’est plus contesté en appel qu’il doit être regardé comme fondé en titre ;
que l’intéressé a demandé la condamnation de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne, maître d’ouvrage et concessionnaire d’un barrage en fonctionnement depuis la fin de l’année 1990 destiné à régulariser notamment le débit de la Gimone, à réparer les conséquences dommageables d’une perte d’énergie hydraulique qu’il impute à la mise en service de l’ouvrage public ;
que, par jugement en date du 16 février 1999, le tribunal administratif de Pau a ordonné une expertise en vue de déterminer le débit, la hauteur de chute et la puissance théorique du moulin de Saint-Blancard et, à partir de la consistance légale qu’il a fixée à 13 kw, soit un débit de 300 litres par seconde pour une hauteur de chute de 4,40 m, la perte de puissance constatée du fait de l’existence du barrage, ainsi que, le cas échéant, la perte en capital subie ;
qu’après expertise, les premiers juges, par jugement du 6 juillet 1999, ont estimé que le fonctionnement du barrage n’avait entraîné aucune diminution de la puissance théorique du moulin et ont, pour ce motif, rejeté la demande de M. X ;
que le requérant demande l’annulation des deux jugements susrappelés et la condamnation de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne à réparer le préjudice qu’il soutient avoir subi ;
Sur la responsabilité :
Considérant que M. X peut seulement se prévaloir, à l’appui de sa demande en réparation, de la consistance légale du moulin dont il est propriétaire, telle qu’elle résultait de la force motrice dont disposaient les titulaires du titre d’origine ;
qu’il résulte de l’instruction que la consistance légale d’origine du moulin de Saint-Blancard ne peut être regardée, en l’absence de production de titres ou de documents pouvant en tenir lieu, comme excédant, ainsi que l’ont estimé les premiers juges, 13 kw ;
que si, par décret du 8 août 1909, le préfet du Gers a fixé à 500 litres par seconde la dotation en eau de la rivière Gimone devant résulter des travaux de dérivation des eaux de la Neste, il résulte de l’article 8 dudit décret qu’ en aucun cas les usagers ne pourront prétendre à une indemnité ou à un dédommagement quelconque si, à quelque époque que ce soit, l’administration reconnaît nécessaire, pour les raisons énumérées à l’article 6, de prendre des mesures qui les privent d’une manière temporaire ou définitive de tout ou partie des avantages résultant du présent décret ;
qu’il est constant que le barrage de la Gimone, qui a pour objet d’assurer un débit minimum de salubrité, de répondre aux besoins en eau potable et en irrigation et de compenser des volumes prélevés par la centrale électronucléaire de Golfech, répond aux intérêts de la répartition des eaux et de la salubrité publique visés à l’article 6 du décret du 8 août 1909 ;
que, dans ces conditions, il ne peut être tenu compte des avantages résultant du canal de la Neste pour la détermination des droits dont le requérant peut se prévaloir ;
Considérant, toutefois, qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’expertise ordonnée par le tribunal administratif que le moulin de M. X a subi, du fait de la mise en fonctionnement du barrage de la Gimone, une perte de puissance correspondant à la différence entre les débits enregistrés après la mise en service de l’ouvrage et le débit de 300 mètres cube par seconde dont il pouvait, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, légalement disposer, ainsi que des irrégularités dans le débit ;
que l’intéressé se trouve, du fait de la perte de puissance de son ouvrage et des variations saisonnières du débit imputables au barrage, dans l’obligation de recourir à l’énergie électrique fournie par EDF pour ses besoins domestiques que couvrait auparavant le fonctionnement du moulin ;
que, par suite M. X est fondé à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne à réparer le préjudice subi du fait d’une perte de puissance de la force motrice de son moulin ;
Sur la réparation :
Considérant qu’il résulte de l’instruction que, si la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne a assuré le paiement des frais afférents à la souscription d’un abonnement auprès d’EDF et à la consommation d’électricité du requérant jusqu’au 13 octobre 1992, M. X a subi, après cette date, un préjudice dont le montant peut être regardé comme correspondant aux frais d’électricité qu’il a dû exposer ;
qu’il résulte également de l’instruction et notamment de l’expertise susrappelée, que le montant de ces frais pour la période du 14 octobre 1992 au 31 décembre 1998 s’établit à la somme de 53 893 F HT soit 64 994,96 F TTC ou 9 908,42 euros ;
qu’il y a lieu d’ajouter le montant de l’abonnement à EDF et des taxes locales afférentes aux consommations d’électricité et à cet abonnement, payés durant la même période, soit, eu égard au montant annuel non contesté de 3 468,06 F TTC dont fait état le requérant, la somme de 3 282,36 euros ;
qu’en revanche, le requérant ne justifie pas de la réalité de frais d’électricité exposés ultérieurement ;
qu’il ne résulte pas de l’instruction que le préjudice résultant de la perte de force motrice présente un caractère définitif ;
que, dès lors, M. X est fondé à demander la condamnation de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne à lui verser une somme limitée à 13 190,78 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 6 juillet 1999 est annulé.
Article 2 : La Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne est condamnée à verser à M. Roger X la somme de 13 190,78 euros.
Article 3 : La Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne supportera les frais de l’expertise ordonnée en première instance.
Article 4 : La Compagnie intimée versera à M. X la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article L 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne tendant à l’application de l’article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Le juge administratif a dû recourir à l’ expertise pour déterminer d’ une part la puissance maximale brute de l’ ouvrage (consistance légale correspondant à la consistance d’ origine), d’ autre part, la perte en puissance occasionnée par la mise en service du barrage de la CACG.
L’ indemnisation du premier n’ a été possible que dans la mesure où l’ ouvrage se trouvait encore en état de fonctionnement. Il en serait allé différemment s’ il avait été en ruine et plus utilisé