Conseil d’État
statuant
au contentieux
Lecture du 23 juin 1976 (extraits)
VU LA REQUETE SOMMAIRE ET LE MEMOIRE AMPLIATIF PRESENTES POUR LA VILLE DE SAINT-BRIEUC [COTES-DU-NORD], REPRESENTEE PAR SON MAIRE EN EXERCICE, A CE DUMENT AUTORISE PAR DELIBERATION DU CONSEIL MUNICIPAL EN DATE DU 29 MARS 1974, LADITE REQUETE ET LEDIT MEMOIRE ENREGISTRES AU SECRETARIAT DU CONTENTIEUX DU CONSEIL D’ETAT LES 2 AVRIL ET 22 MAI 1974 ET TENDANT A CE QU’IL PLAISE AU CONSEIL ANNULER LE JUGEMENT EN DATE DU 6 FEVRIER 1974 PAR LEQUEL LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES A DECLARE LA VILLE DE SAINT-BRIEUC RESPONSABLE DU PREJUDICE SUBI PAR LES INSTALLATIONS PISCICOLES DU SIEUR PHILIPPE DU FAIT DE LA BAISSE DU DEBIT DU GOUET, ET L’A CONDAMNEE A VERSER A CE DERNIER UNE INDEMNITE DE 10.000 F ;
VU LA LOI DU 28 PLUVIOSE AN VIII ; VU LE CODE RURAL ; VU LE CODE CIVIL ; VU L’ORDONNANCE DU 31 JUILLET 1945 ET LE DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953 ;
CONSIDERANT QUE, PAR LE JUGEMENT ATTAQUE, EN DATE DU 6 FEVRIER 1974, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES A DECLARE LA VILLE DE SAINT-BRIEUC RESPONSABLE DES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES RESULTANT POUR L’ELEVAGE DE TRUITES DU SIEUR PHILIPPE, DE LA BAISSE DU DEBIT DU GOUET A RAISON DE POMPAGES DESTINES A L’ALIMENTATION EN EAU DE LA VILLE ET A CONDAMNE LA VILLE A VERSER UNE INDEMNITE DE 10.000 F AU SIEUR PHILIPPE ;
CONSIDERANT QU’IL N’EST PAS CONTESTE QUE LES OUVRAGES DE DERIVATION D’EAU DU MOULIN DE LA ROCHE A L’EMPLACEMENT DUQUEL EST INSTALLEE L’ELEVAGE DU SIEUR PHILIPPE EXISTAIENT AVANT 1789 ;
QU’IL N’EST PAS ETABLI QUE CES OUVRAGES AIENT SUBI DEPUIS LORS DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES DE MODIFIER LE DEBIT ACTUEL DES EAUX ALIMENTANT L’ELEVAGE ET QUE LE SIEUR PHILIPPE S’EST CONFORME AUX DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 427 DU CODE RURAL ;
QU’AINSI LES MOYENS TIRES PAR LA VILLE DE SAINT-BRIEUC DE CE QUE L’ETABLISSEMENT EN CAUSE NE SERAIT PAS FONDE EN TITRE ET SERAIT DANS UNE SITUATION ADMINISTRATIVE IRREGULIERE NE SAURAIENT, EN TOUT ETAT DE CAUSE, ETRE DE NATURE A EXONERER LA VILLE DE SAINT-BRIEUC DE LA RESPONSABILITE QU’ELLE PEUT ENCOURIR EN RAISON DE L’EXECUTION DES OPERATIONS DE POMPAGES ;
SUR LA RESPONSABILITE :
CONSIDERANT QU’IL RESULTE DE L’INSTRUCTION ET NOTAMMENT DU RAPPORT D’EXPERTISE QUE LES BAISSES DU DEBIT DU GOUET CONSTATEES A DIVERSES PERIODES DEPUIS L’INSTALLATION DE LA STATION DE POMPAGE DE LA VILLE DE SAINT-BRIEUC EN AVAL DU MOULIN DE LA ROCHE ET NOTAMMENT PENDANT L’ETE 1971 SONT DUES AUX POMPAGES EFFECTUES PAR LA VILLE DE SAINT-BRIEUC ;
QUE L’IMPORTANCE DES PRELEVEMENTS D’EAU EFFECTUES PAR LA VILLE A NOTAMMENT REDUIT A PLUSIEURS REPRISES LE DEBIT DE LA RIVIERE DANS DES PROPORTIONS TELLES QUE CELUI-CI NE CORRESPONDAIT PLUS QU’AUX FUITES DES VANNES DE DECHARGE DE L’USINE ;
QUE LE DEBIT INSIGNIFIANT QUI EN RESULTAIT DANS CES CIRCONSTANCES ETAIT INSUFFISANT POUR PERMETTRE L’EXPLOITATION NORMALE DE L’ELEVAGE DU SIEUR PHILIPPE ;
QUE LA SECHERESSE QUI A SEVI DURANT L’ETE 1971 N’AVAIT PAS LE CARACTERE D’UN EVENEMENT DE FORCE MAJEURE ET QU’AUCUNE FAUTE DU SIEUR PHILIPPE DE NATURE A ATTENUER LA RESPONSABILITE DE LA VILLE, MAITRE DE L’OUVRAGE, A L’EGARD DUQUEL IL A LA QUALITE DE TIERS, N’EST ETABLIE ;
QU’AINSI LA VILLE DE SAINT-BRIEUC N’EST PAS FONDEE A SOUTENIR QUE C’EST A TORT QUE, PAR LA DECISION ATTAQUEE, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES A RETENU SON ENTIERE RESPONSABILITE ;
SUR LE PREJUDICE SUBI PAR LE SIEUR PHILIPPE :
CONSIDERANT QUE LE SIEUR PHILIPPE A ETE CONTRAINT, PAR SUITE DES RÉDUCTIONS CONSTATÉES DU DÉBIT DU GOUET, D’EXERCER UNE SURVEILLANCE CONSTANTE DE SES INSTALLATIONS, ET DE PROCEDER A L’ACQUISITION D’UN MATÉRIEL DE REOXYGENATION DE L’EAU POUR SAUVEGARDER L’EXPLOITATION DE SON ELEVAGE ET EVITER LES PERTES DE POISSONS ;
QUE LE PRÉJUDICE SUBI DE CE FAIT ET EVALUE A 90.000 F PAR L’EXPERT DÉSIGNÉ PAR LE TRIBUNAL, EST DU CONCURREMMENT AUX POMPAGES EFFECTUES PAR LA VILLE DE SAINT-BRIEUC ET A LA DIMINUTION NATURELLE DU DEBIT DES EAUX DE LA RIVIERE EN PERIODE D’ETIAGE ;
QUE, TOUTEFOIS, LE MATERIEL DE REOXYGENATION DE L’EAU, QUI REPRÉSENTE LA PART LA PLUS IMPORTANTE DU PREJUDICE, PEUT AVOIR UNE UTILISATION PERMANENTE, EN DEHORS DES EVENEMENTS CI-DESSUS RELATES, QUI ONT PROVOQUE L’ACHAT DE CE MATÉRIEL ;
CONSIDÉRANT QUE DANS CES CIRCONSTANCES LE SIEUR PHILIPPE EST FONDE, PAR LA VOIE DU RECOURS INCIDENT, A SOUTENIR QUE LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF A FAIT UNE ÉVALUATION INSUFFISANTE DU PRÉJUDICE DONT IL EST EN DROIT D’OBTENIR RÉPARATION ;
QU’IL SERA FAIT UNE JUSTE APPRÉCIATION DE LA RÉPARATION DUE AU SIEUR PHILIPPE PAR LA VILLE DE SAINT-BRIEUC EN CONDAMNANT CELLE-CI A LUI PAYER UNE INDEMNITÉ DE 25.000 F QUI PORTERA INTÉRÊT AU TAUX LEGAL A COMPTER DU 4 OCTOBRE 1972, DATE D’ENREGISTREMENT DE LA REQUÊTE DE PREMIÈRE INSTANCE ;
QU’IL Y A LIEU, EN CONSÉQUENCE, DE REFORMER EN CE SENS LE JUGEMENT ATTAQUE ;
DECIDE :
ARTICLE 1ER - LA SOMME DE 10.000 F QUE LA VILLE DE SAINT-BRIEUC A ÉTÉ CONDAMNÉE A PAYER AU SIEUR PHILIPPE PAR LE JUGEMENT SUSVISÉ DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES EN DATE DU 6 FÉVRIER 1974 EST PORTÉE A 25.000 F. CETTE SOMME PORTERA INTÉRÊT AU TAUX LÉGAL A COMPTER DU 4 OCTOBRE 1972.
ARTICLE 2 - LE JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES EN DATE DU 6 FÉVRIER 1974 EST REFORME EN CE QU’IL A DE CONTRAIRE A LA PRÉSENTE DÉCISION.
ARTICLE 3 - LA REQUÊTE DE LA VILLE DE SAINT-BRIEUC ET LE SURPLUS DES CONCLUSIONS DU RECOURS INCIDENT DU SIEUR PHILIPPE SONT REJETÉS.
ARTICLE 4 - LA VILLE DE SAINT-BRIEUC SUPPORTERA LES DÉPENS EXPOSES DEVANT LE CONSEIL D’ETAT.
ARTICLE 5 - EXPÉDITION DE LA PRÉSENTE DÉCISION SERA TRANSMISE AU MINISTRE DE L’AGRICULTURE.