Conseil d’État, 5 avril 2006
la SARL DECOUR demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt en date du 1er mars 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Lyon, après avoir déclaré recevable l’intervention de la Fédération du Puy-de-Dôme pour la pêche et la protection du milieu aquatique, a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 27 décembre 1999 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand rejetant sa demande tendant à l’annulation du septième alinéa de l’article 3, du deuxième alinéa de l’article 5 et de l’article 6 de l’arrêté du 18 avril 1997 du préfet du Puy-de-Dôme fixant le règlement d’eau de la micro centrale de Saint-Gervais-sous-Meymont et l’autorisant à utiliser l’énergie hydraulique de la rivière La Dore,
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Considérant qu’aux termes de l’article L. 822-1 du code de justice administrative :
« Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux » ;
Considérant que, pour demander l’annulation de l’arrêt attaqué, la SARL DECOUR soutient qu’il est irrégulier en la forme, car il n’est pas revêtu des signatures manuscrites du président de la formation de jugement, du conseiller rapporteur et du greffier ;
qu’il est entaché d’insuffisance de motivation en tant qu’il écarte le moyen tiré de l’atteinte au principe d’égalité entre exploitants d’installations hydroélectriques implantés sur la rivière « La Dore » comme inopérant sans en expliquer les raisons ;
que, sur le fond, la cour administrative d’appel de Lyon a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des faits en rejetant, au motif de leur nouveauté en appel, les conclusions tendant à l’annulation totale de l’arrêté du 18 avril 1997 alors, d’une part, que ces conclusions avaient bien été formulées en première instance et, d’autre part, qu’elles se rattachaient à une cause juridique d’ordre public, celle du champ d’application de la loi ;
qu’un droit fondé en titre garantit à son titulaire la possibilité d’utiliser en permanence le débit destiné à produire la puissance correspondant à la consistance du droit ;
qu’il ressort des propres constatations des juges du fond que l’usine exploitée par la SARL DECOUR est fondée en titre ;
que, quelle que soit la base juridique de l’intervention de l’administration, celle-ci est tenue de prendre en compte le droit fondé en titre et sa consistance en termes de « débit dérivé » pour fixer le « débit réservé » ;
que l’arrêté litigieux n’a été pris que parce que le préfet a cru, à tort, que l’usine dépassait la puissance fondée en titre, sans en apporter aucunement la preuve ;
que, par suite, la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la SARL DECOUR ne pouvait utilement se prévaloir, à l’appui de ses conclusions dirigées contre le septième alinéa de l’article 3, le deuxième alinéa de l’article 5 et l’article 6 de l’arrêté du 18 avril 1997, de ce qu’elle disposait d’un droit fondé en titre dont la consistance n’avait pas varié ;
que l’arrêt est également entaché d’erreur de droit en ce qu’il écarte le moyen tiré de ce que la rivière « La Dore » ne présente aucune particularité propre à justifier un débit réservé correspondant à 15 % du débit moyen, alors qu’il appartenait à l’administration de démontrer pourquoi un tel taux, supérieur au taux prévu par l’article L. 432-5 du code de l’environnement, était en l’espèce nécessaire ;
que la cour a dénaturé les pièces du dossier en affirmant que la société requérante n’avait fourni, à l’appui de ses allégations relatives au fait que les aménagements imposés allaient conduire à dépasser le taux de 15 % de débit réservé, aucune note de calcul détaillée qui en démontrerait le bien-fondé ;
Considérant qu’aucun de ces moyens n’est de nature à permettre l’admission de la requête ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL DECOUR n’est pas admise. Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL DECOUR. Une copie sera transmise au ministre de l’écologie et du développement durable.
Si les règles de la police de la pêche (débit réservé, dispositifs de franchissement des poissons migrateurs) sont également applicables aux ouvrages fondés en titre, il incombe toutefois à l’administration, par exemple pour imposer un débit réservé à de tels ouvrages, de prendre en compte la consistance du droit fondé en titre en termes de débit dérivé. Pour cela, il lui incombe de s’assurer de la consistance légale effective de ce droit et d’apporter la preuve que cette consistance légale aurait été modifiée et ne serait plus conforme à celle du titre d’origine, par exemple au regard du débit dérivé, l’une des composantes du calcul de la puissance maximale brute de l’entreprise.
Par ailleurs, tirant les conclusions de l’arrêt du 15 avril 1996, Mme MORTERA, le Conseil d’Etat rappelle que si l’administration entend fixer un débit réservé supérieur au taux prévu par l’article L. 432-5 du code de l’environnement (soit le quarantième du module du cours d’eau pour les ouvrages existants), elle doit motiver cette décision par les particularités du cours d’eau, notamment sa fragilité.