M. Pierre-Yvon Trémel appelle l’attention de M. le ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement sur les problèmes d’application de la règle du débit réservé des cours d’eau.
Institué par la loi n° 84-512 du 29 juin 1984 relative à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles, le débit réservé (article 410) traduit, vis-à-vis des ouvrages construits dans le lit d’un cours d’eau, le principe d’un débit minimal qui vise à garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces.
Le débit réservé est défini en sorte de ne " pas être inférieur au dixième du module du cours d’eau en droit de l’ouvrage ", c’est-à-dire au dixième du débit moyen interannuel évalué sur une période minimale de cinq ans.
La loi prévoyait que le Gouvernement présente au Parlement, dans un délai de cinq ans, un bilan de l’application de cette disposition ; cependant, aucun bilan d’application n’a jamais été présenté à la représentation nationale.
Or, il s’avère que ce système, inspiré d’une méthode appliquée surtout aux Etats-Unis, présente de larges difficultés d’application et place les collectivités territoriales productrices d’eau à partir des eaux superficielles dans une situation fréquente d’illégalité.
Par ailleurs, elle interdit tout fonctionnement de piscicultures au fil de l’eau en période d’étiage.
En 1991, une étude du conseil général du génie rural et des eaux et forêts relevait que la circulaire du ministère du 10 mai 1986 demandant aux préfets de notifier aux exploitants d’ouvrages le débit minimum devant être respecté à l’aval n’avait pas été effective dans un département sur cinq, l’autorité administrative estimant que l’application de la norme aurait posé des problèmes trop importants aux collectivités locales. Cette étude précisait également que si, pour les ouvrages existants, la règle du 1/40 du module présentait des difficultés d’application dans un cas sur cinq, " celle du 1/10 provoquerait l’interruption de la fourniture d’eau une année sur deux en période d’étiage ".
La loi sur l’eau n° 92-3 du 3 janvier 1992 n’a pas saisi l’occasion de modifier le texte initial mais a introduit la notion de " débit minimal biologique " (DMB).
Les sollicitations sont aujourd’hui grandes pour assouplir la fixation des débits. Il semblerait en effet pertinent de considérer que le débit d’étiage naturel d’un cours d’eau est un élément structurel de son environnement biologique et qu’il est peut-être vain de vouloir un débit soutenu là où, naturellement, le débit est faible à l’étiage. C’est la raison pour laquelle il souhaiterait connaître son appréciation sur cette question et, le cas échéant, sur la possibilité de modifier le mode de calcul du débit réservé en ne faisant plus référence au module mais au débit d’étiage, en particulier le débit mensuel minimal de fréquence 1/5 (QMNA5) qui est aujourd’hui largement connu et utilisé.
Réponse du ministère : Aménagement du territoire
publiée dans le JO Sénat du 18/06/2002 - page 1428
Le principe de laisser en aval d’un prélèvement dans un cours d’eau un débit suffisant pour permettre une vie biologique satisfaisante est fondamental ; il permet de garantir l’équilibre entre les usages de la ressource en eau et la protection des écosystèmes aquatiques, requis en application de l’article 2 de la loi sur l’eau de 1992.
Ce débit, dénommé débit réservé, doit garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces peuplant le cours d’eau et correspondre au minimum au dixième du module. Les études préalables aux projets de nouveaux prélèvements permettent de préciser les valeurs nécessaires, dans le respect des minima réglementaires.
Lors de l’instauration de ce débit réservé, il a été tenu compte de la situation des prises d’eau existantes puisque celles-ci, tant qu’elles ne subissent pas de modification, peuvent ne laisser dans le cours d’eau à l’aval que le quarantième du module.
Cependant, le passage progressif au dixième du module est un des moyens de la reconquête de la qualité des milieux aquatiques.
Cela nécessite dans un certain nombre de cas une adaptation de l’organisation des prélèvements, afin de pouvoir faire face aux périodes d’étiage du cours d’eau obligeant à une diminution du prélèvement. Pour les collectivités dont l’alimentation en eau potable dépend d’un seul prélèvement dans un cours d’eau, cela implique de disposer d’une ressource alternative, soit en ayant recours à un nouveau prélèvement, soit par interconnexion avec une autre collectivité. Disposer de cette solution de secours est d’ailleurs très utile en cas de pollution du cours d’eau dans lequel le prélèvement a lieu.
Les piscicultures, comme les autres activités économiques prélevant dans le cours d’eau, doivent également respecter ce principe. Le recours à des ressources alternatives ou au recyclage de l’eau prélevée peuvent être des solutions pour diminuer les besoins de prélèvement sur le cours d’eau.
Les méthodes de calcul de ce débit réservé se sont fortement améliorées depuis la parution de la loi de 1984. Un groupe de travail sur l’hydroélectricité et l’environnement, animé par le ministère de l’écologie et du développement durable, prépare une synthèse des connaissances des impacts et des mesures compensatoires des micro-centrales, dont le débit réservé. Celle-ci devrait permettre d’améliorer le niveau d’information tant des porteurs de projets que des services instructeurs.