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Publié : 1er mars 2013

Une fédération de pêche ne peut demander de réparation pour Mise à sec d’un bief sans autorisation sans prouver l’existence d’un préjudice ( 2002)

Mise à sec d’un bief sans autorisation

(Non application de l’article R 236-16 du code rural.)

TRIBUNAL D’INSTANCE 24100 BERGERAC JUGEMENT 8 janvier 2002

DEMANDEUR:LA FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE

DEFENDEURS : Monsieur NICAUDIE Marc La Marche 24100 SAINT LAURENT DES VIGNES, représentépar SCP TOMME- AUCHE, Avocats du Barreau de BERGERAC

EXPOSE DU LITIGE

Par déclaration reçue au greffe le 18 juin 2001, la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE a demandé la convocation de Monsieur Marc NICAUDIE devant le Tribunal d’instance de Bergerac pour avoir paiement des sommes de 4.686 francs en réparation. des dommages causés à la faune piscicole le 26 février 1997, de 2.000 francs au titre des frais de déplacement des agents verbalisateurs, véhicules, analyses des eaux, de 2.000 francs au titre des démarches administratives à hauteur de 10 heures , et de 2.000 francs sur le fondement de 1’ article - 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle expose que Monsieur NICAUDIE est propriétaire du Moulin de la Conne situé sur le cours d’eau du même nom. Le 26 février, Monsieur PORTAL, garde-pêche du Conseil Supérieur de la Pêche a constaté que le niveau des eaux avait été abaissé en amont du barrage du Moulin de la Conne, la pelle du barrage étant fermée et bloquée par un cadenas. De ce fait, le canal d’amenée n’était plus alimenté. Monsieur PORTAL a dressé en conséquence procès-verbal en vertu de l’article R.236-16 alinéa 2 du Code Rural, aux termes duquel toute personne responsable de l’abaissement des eaux doit, sauf cas de force majeure, avertir la Gendarmerie et le service chargé de la police de la pêche, au moins huit jours à l’avance, du moment où le niveau des eaux sera abaissé. L’abaissement du niveau des eaux du ruisseau "La Conne", sans autorisation administrative, a eu un impact désastreux sur la flore et la faune. Le préjudice s’établit à 8.686 francs d’après le rapport du Conseil Supérieur de la Pêche.

Monsieur NICAUDIE demande de déclarer la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE irrecevable et mal fondée en ses demandes et de la condamner à lui payer les sommes de 15.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 8.000 francs sur le. fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il fait valoir qu’il est, comme tous les propriétaires de moulins, harcelé par la FEDERATION et au-delà, le Conseil Supérieur de la Pêche car ils ont eu l’impudence de leur écrire qu’ils entendaient que les droits qu’ils tirent de l’article 235-4 du Code Rural, qui interdit aux pêcheurs de pêcher dans les cours d’eau qui sont leur propriété, soient respectés. Cela s’est manifesté :

- par un rapport farfelu et au moins inopportun de Monsieur PORTAL, garde du Conseil Supérieur de la Pêche, le 25 mars 1996, alors qu’une partie des installations du moulin de la Conne avait été détruite par une crue importante,

- par un procès-verbal illégal dressé par Monsieur MARCILLAC le 4 juillet 1997,

- par un procès-verbal illégal dressé par Monsieur MARCILLAC le 16 mars 1999,

- par un procès-verbal dressé par Monsieur PORTAL le.23 août 2000 qui a abouti à un jugement de relaxe.

Après le procès-verbal du 26 février 1997, la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt lui a proposé une transaction par versement de l.000 francs. Il n’y a jamais donné suite et le procès-verbal a pourtant été classé sans suite.

La FEDERATION refuse de comprendre que l’article R 236-16 du Code Rural ne s’applique pas à certains moulins. L’origine du moulin de la Conne remonte à des temps immémoriaux. Il est en tout état de cause antérieur à 1790. Le fait que le moulin de la Conne ait cessé ses activités usinières ne change rien. Son droit de prise d’eau, qui est un droit immobilier, inaliénable et imprescriptible, reste attaché au Moulin et le propriétaire peut prendre les précautions conservatoires qui s’imposent à lui, ce qui comprend l’ouverture de la vanne pour baisser le niveau des eaux du bief d’amenée afin d’y effectuer des travaux qui sont nécessaires et qui, d’ailleurs, sont imposés par les règlements.

A supposer admis que l’article R.236-16 du Code Rural serait applicable, il n’a pu être causé aucun préjudice à la FEDERATIO’N. La manœuvre a consisté à ouvrir la vanne d’amenée, c’est à dire à diminuer le niveau d’eau du bief, pour le nettoyer et entretenir les mécanismes usiniers et, par suite, à rejeter l’eau dans le cours naturel du ruisseau. Le garde PORTAL n’a évidemment pu constater la moindre mortalité dans le bief car les poissons qui pouvaient s’y trouver ont regagné le cours naturel du ruisseau. Au surplus, la méthode de la FEDERATION est particulièrement spécieuse. Les agents verbalisateurs et leurs véhicules dépendent ou appartiennent au Conseil Supérieur de la Pêche et participent d’un service public. Il n’a été réalisé aucune analyse d’eau. Les démarches administratives ne sont pareillement pas prouvées. Le calcul de la FEDERATION quant aux dommages causés à la faune repose sur une méthode qui date de 1949 comme si les conditions piscicoles étaient alors les mêmes. Il ne peut- y avoir dans la Conne, ruisseau classé deuxième catégorie piscicole, ni brochet ni truite. Il existe, en amont comme en aval du moulin de la Conne, de nombreux moulins qui, du fait de leurs barrages, interdisent la remontée de ces poissons. Ainsi, les prétentions de la FEDERATION sont purement artificielles.

Manifestement, la FEDERATION veut régler des comptes. Occupée à le harceler, elle néglige sa mission de service public. En réalité, elle abuse de son droit d’agir.

La FEDERATION objecte qu’il est indifférent que Monsieur NICAUDIE soit propriétaire du moulin de la Conne. Lors d’une réunion organisée par le parquet le 4 octobre 1999, Monsieur LAMPIN, représentant de la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt, a confirmé que l’infraction était caractérisée. Il n’y a pas eu de poursuites car Monsieur NICAUDIE s’est engagé à aviser préalablement la Direction Départementale de l’Agriculture et de la Forêt de toute nouvelle manœuvre des vannes.

MOTIVATION DU JUGEMENT

La responsabilité suppose, outre une faute, en l’espèce contestée, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le préjudice. Or, la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE ne peut sérieusement prétendre justifier d’un préjudice. Elle fait état de frais de déplacements d’agents, d’utilisation de véhicule, d’analyses des eaux, qu’il est certain qu’elle n’a pas engagés. Ces frais ont en effet été supportés par le Conseil Supérieur de la Pêche et, s’agissant de ceux afférents à des analyses d’eaux, sont purement imaginaires. Elle n’apporte pareillement pas la moindre explication quant à ses prétendues démarches administratives. Surtout, il n’a de fait pas été constaté de conséquences sur la faune aquatique de la manœuvre de la pelle du barrage. Monsieur PORTAL n’a en effet procédé que par affirmations, sans faire de véritables constatations, se contentant d’indiquer que la végétation aquatique des berges, supports de vie des invertébrés et de leurs larves, qui constituent une part importante de 1’alimentation des poissons, est touchée. De même, le préjudice a été déterminé de façon purement théorique, sans connaissance réelle aucune de la faune aquatique existante avant et après la manipulation de la vanne du barrage. A défaut de preuve, à tout le moins de l’existence d’un préjudice, toutes les demandes de la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE seront rejetées.

La FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE, partie perdante, sera condamnée à payer la somme de 4.000 francs au titre des frais de- procédure exposés par Monsieur NICAUDIE. et non compris dans les dépens.

Une action en justice ne dégénère en abus que si elle constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s’il s’agit d’une erreur grave équipollente au dol. L’appréciation inexacte qu’une partie fait de ses droits n’est ainsi pas constitutive d’une faute. Il n’y a dès lors pas lieu à condamnation à dommages et intérêts pour abus de procédure.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en dernier ressort,

Rejette l’ensemble des demandes de la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE,

Condamne la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE à payer à Monsieur Marc NICAUDIE la somme de 4.000 francs (609,80 euros) sur le fondement de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la FEDERATION DE DORDOGNE POUR LA PECHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE aux dépens de la présente instance.