août 2002
La Norvège a ouvert son marché de l’électricité en 1992. Avec succès si l’on en croit la belle unanimité affichée à ce sujet par les pouvoirs publics, les entreprises électriques et les consommateurs.
L’expérience norvégienne apporte un éclairage intéressant dans la mesure où le secteur de l’électricité présente des caractéristiques similaires à la Suisse comme l’existence d’une myriade de petites centrales, dont un grand nombre sont aux mains des communes.
L’épine dorsale de l’ouverture du marché
En Norvège, seule une partie des entreprises - qui sont pour la plupart publiques - a été privatisée. Un modèle d’accès réglementé au réseau a été introduit, dans lequel les prix du réseau sont calculés indépendamment de la distance. Les exploitants doivent assurer un accès non discriminatoire à leur réseau. Quant à l’exploitation du réseau de transport, elle a été confiée à une société unique. Une autorité de régulation spécifique est chargée de surveiller l’accès et la rétribution du réseau. En outre, la Norvège a institué une Bourse centrale pour le commerce en gros du courant. L’objectif déclaré de la dérégulation est d’augmenter l’efficacité de l’approvisionnement en courant.
Les conséquences de l’ouverture du marché
En Norvège, depuis l’ouverture du marché, le courant se négocie en Bourse. Son prix spot relativement volatile traduit fidèlement les situations de pénurie de l’offre. En temps normal, il oscille entre 2 et 3 ct./kWh ; en cas de pénurie à la suite de périodes de basses précipitations ou de températures très basses - il se situe généralement entre 5 et 7 ct./kWh. La courbe des prix payés par les ménages montre que l’évolution générale des prix sur le marché spot se répercute sur les clients avec une année de retard et très en douceur.
Depuis 1996, où disparaissait l’obligation de mesurer la consommation horaire des clients optant pour un nouveau fournisseur, les petits consommateurs sont relativement nombreux chaque année à changer de fournisseur : environ 15%.
Auparavant, les gros consommateurs étaient pratiquement les seuls à jouir de cette opportunité. On peut donc dire de manière générale que la concurrence fonctionne bien, tant au niveau de la production de courant que pour sa vente.
Dans le domaine du réseau soumis au monopole également, la régulation a permis une baisse des prix réels, pour les clients privés, de l’ordre de 2,5% par an. Ces dernières années, la qualité de l’approvisionnement s’est même légèrement améliorée dans l’ensemble. En effet, la quantité d’énergie non livrée en raison de coupures de courant est passée, entre 1995 et 2000, de plus de 0,04% à environ 0,025% du total.
Quels sont les facteurs de cette réussite
On peut attribuer la réussite du modèle norvégien à trois facteurs principaux.
La régulation a été conçue par étapes
Compte tenu de l’’importance de l’enjeu pour la branche de l’électricité et de la taille modeste de l’autorité de régulation - 20 personnes -, l’ouverture a suivi un cheminement progressif. Ainsi, les conditions-cadres sont-elles prévisibles pour tous les acteurs impliqués. L’évolution s’est en outre faite pas à pas, si bien qu’il n’a jamais fallu revenir sur des éléments importants qui avaient été introduits. Il a toutefois souvent fallu procéder à des ajustements. Enfin, la création d’une base de données a rendu les activités de régulation possibles, que ce soit pour l’évaluation de la rétribution de l’acheminement ou l’établissement de comparaisons de prestations entre les opérateurs.
De bonnes mesures incitatives au lieu d’une réglementation tatillonne
Toutes les mesures de régulation ont attaché une réelle importance à prévoir des incitations correctes. Idéalement toutes les mesures devraient être conçues pour inciter les entreprises à poursuivre les objectifs d’ordre social, respectivement politique qui leur sont imposés. Il a été ainsi possible de renoncer à de nombreuses consignes détaillées.
Il a fallu vaincre les réticences de la branche
L’autorité de régulation est parvenue à bien se faire accepter par la branche. La création d’une base de départ comparable grâce à la réévaluation de l’infrastructure du réseau y joue un rôle tout aussi important que la grande transparence des processus ou le fait que l’autorité de régulation fonde toutes ses décisions sur des données fournies par les entreprises elles-mêmes. Toutes les informations et tous les documents sont publics et disponibles sur internet. Cela vaut aussi pour les échanges de correspondance entre l’autorité de régulation et les entreprises en cas de réclamation. Cette pratique favorise les discussions franches entre l’autorité de régulation et la branche.
Un exemple à méditer
Ce modèle montre qu’une ouverture du marché peut profiter aux consommateurs sans diminuer en rien la qualité de l’approvisionnement.
Yves Salle
(Source : extrait de “Energie extra” - publication de l’OFEN)