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Publié : 14 avril 2013

Un moulin ayant été autorisé n’a pas besoin de renouvellement d’autorisation s’il est fondé en titre :

Un moulin ayant été autorisé n’a pas besoin de renouvellement d’autorisation s’il est fondé en titre :

Cour administrative d’appel de Bordeaux, 5ème chambre (formation à 3), 15 mai 2012, 11BX01628

Considérant que M. et Mme A sont propriétaires, depuis 1977, du moulin de Chassagnon situé sur la rivière La Voueize, sur le territoire de la commune de Chambon-sur-Voueize (Creuse) ; que, par un arrêté en date du 19 novembre 1980, valant règlement d’eau, le préfet de la Creuse les a autorisés, sur leur demande, à remettre en état la digue en vue de la production d’électricité, autorisation conférée pour une durée de trente ans ; que, par une lettre en date du 30 juillet 2008, l’administration les a informés qu’ils pouvaient procéder au renouvellement de cette autorisation et les a invités à déposer une demande en ce sens ; que les requérants ont alors fait valoir que le moulin était fondé en titre de sorte qu’ils n’avaient pas à demander le renouvellement de l’autorisation délivrée en 1980  ; qu’ils ont déféré au tribunal administratif de Limoges la décision du 2 mars 2010 par laquelle le préfet de la Creuse a refusé de reconnaître que le moulin de Chassagnon était fondé en titre et a réitéré l’obligation qu’ils avaient de présenter une demande de renouvellement d’autorisation ; que, par un jugement en date du 12 mai 2011, le tribunal administratif de Limoges a relevé que les époux A " étaient titulaires d’un droit fondé en titre lorsqu’ils sont devenus propriétaires du moulin de Chassagnon " mais que ce droit s’est perdu du fait de la " démolition partielle " de la digue au cours de l’hiver 1963, l’ouvrage étant de ce fait " dans un état de ruine tel que la force motrice du cours d’eau n’était plus susceptible d’être utilisée " et que, par suite, le préfet de la Creuse n’avait commis aucune erreur de droit " en soumettant l’exploitation de la force motrice de la Voueize à une autorisation " ; que les époux A font appel dudit jugement en tant qu’il a considéré que leur droit d’eau fondé en titre s’était perdu pour la raison sus-indiquée et demandent à la cour de dire qu’ils sont toujours titulaires d’un droit fondé en titre pour l’usage des eaux de la Voueize, les exemptant de procéder à une demande de renouvellement d’autorisation ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 214-6 du code de l’environnement : " II. Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre. " ; qu’en vertu de l’article L. 511-4 du code de l’énergie, les usines ayant une existence légale ne sont pas soumises aux dispositions du livre IV dudit code relatives à l’utilisation de l’énergie hydraulique ;
Considérant que la force motrice produite par l’écoulement d’eaux courantes ne peut faire l’objet que d’un droit d’usage et en aucun cas d’un droit de propriété ; qu’il en résulte qu’un droit fondé en titre se perd lorsque la force motrice du cours d’eau n’est plus susceptible d’être utilisée par son détenteur, du fait de la ruine ou du changement d’affectation des ouvrages essentiels destinés à utiliser la pente et le volume de ce cours d’eau ; qu’en revanche, ni la circonstance que ces ouvrages n’aient pas été utilisés en tant que tels au cours d’une longue période de temps, ni le délabrement du bâtiment auquel le droit d’eau fondé en titre est attaché, ne sont de nature, à eux seuls, à remettre en cause la pérennité de ce droit ;

Considérant qu’il résulte des pièces produites en première instance par les requérants que, comme l’a relevé le jugement attaqué, qui n’est pas contesté sur ce point, le moulin de Chassagnon, qui existait avant 1789, doit être regardé comme fondé en titre ; que l’administration soutient toutefois que ce droit s’est éteint en raison de l’impossibilité d’utiliser la force motrice de la rivière à la suite de l’endommagement de la digue en 1963 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction qu’à la suite du gel de l’hiver 1963, une partie de la digue du moulin de Chassagnon a été endommagée ; que l’arrêté du 19 novembre 1980 autorise simplement sa " remise en état ", " sans modification de cotes ni de forme " ; qu’il résulte des nombreuses attestations produites par les époux A qu’entre 1963 et 1980, la digue, pour partiellement endommagée qu’elle fût, a toujours été en place et remplissait au moins partiellement son office  ; que les requérants produisent en appel un relevé établi par un géomètre-expert établissant que la crête de la digue se situe à la cote 329,56 NGF et le fond du lit de la Voueize, en amont de ladite digue, à la cote 328,98 NGF, soit un dénivelé maximum de 0,58 mètre ; qu’ils établissent ainsi que, contrairement à ce que soutient l’administration, la brèche dans la digue ne pouvait avoir une hauteur de deux mètres, le dénivelé aval étant constitué non par un ouvrage maçonné mais par un seuil rocheux naturel sur lequel a été implanté le barrage  ; que la fiche de calculs produite par le préfet à l’appui de son mémoire de première instance, bien que partant de l’hypothèse, contredite en appel, que la brèche était d’une hauteur de deux mètres et d’une section de 44 m², précise qu’entre 1963 et 1980 la cote d’exploitation pouvait être atteinte statistiquement une fois tous les cinq ans ; que dans ces conditions, la digue ne peut pas être regardée comme ayant été entre 1963 et 1980 dans un état tel qu’il aurait empêché l’exploitation de la force motrice du cours d’eau ; qu’il s’ensuit que les requérants doivent être regardés comme étant titulaires d’un droit d’eau fondé en titre pour l’exploitation des eaux de la Voueize ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à demander l’annulation du jugement attaqué et de la décision du préfet de la Creuse du 2 mars 2010 ;

DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 12 mai 2011 et la décision du préfet de la Creuse en date du 2 mars 2010 sont annulés.