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Publié : 11 janvier 2013

une retenue alimentée par la pluie n’est pas un cours d’eau (2000)

Cour administrative d’appel de Bordeaux - 16 mars 2000

Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de M. Lacroux, annulé l’arrêté en date du 2 février 1993 par lequel le préfet du Tarn a autorisé M. et Mme PUECH à établir un barrage réservoir sur des parcelles leur appartenant au motif, ait d’une part, que la retenue était édifiée sur un cours d’eau non domanial, ce qui entraîne l’obligation de détenir une autorisation en application de l’article 106 du code rural alors encore en vigueur, d’autre part, que les dispositions de l’article 3, paragraphe C, du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature imposaient la réalisation préalable d’une étude d’impact dès lors que l’ouvrage ne constitue pas un réservoir enterré ou semi-enterré dispensé de cette procédure ;

Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 106 du code rural, relatives aux cours d’eau non domaniaux, encore applicables à la date de l’arrêté attaqué en raison de l’absence de publication à cette date des décrets d’application de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau : "aucun barrage, aucun ouvrage destiné à l’établissement d’une prise d’eau, d’un moulin ou d’une usine ne peut être entrepris dans un de ces cours d’eau sans autorisation de l’administration" ;

que ces dispositions ne concernent que la police des cours d’eau non domaniaux ;

Considérant qu’il ressort de l’examen des pièces produites devant la cour, notamment des attestations fournies et de la carte de l’Institut Géographique National figurant au dossier, que les parcelles sur lesquelles a été construite le barrage réservoir autorisé par l’arrêté contesté ne reçoivent l’eau d’aucune source mais seulement, de façon intermittente, les eaux pluviales du bassin versant ;

que, par suite, ces parcelles ne constituent pas le lit d’un cours d’eau non domanial auquel s’appliquent les dispositions précitées de l’article 106 du code rural ;

qu’en conséquence, c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif s’est fondé sur le motif que le barrage réservoir en cause était édifié sur un cours d’eau non domanial pour annuler l’arrêté litigieux ;

qu’au surplus, il n’est pas contesté qu’en application des dispositions de l’article 3, paragraphe C, du décret du 12 octobre 1977 pris pour l’application de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, la construction de l’ouvrage, qui est d’un coût total inférieur à 6 000 000 F, était dispensée de la réalisation préalable d’une étude d’impact ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a, sur la demande de M. Lacroux, annulé l’arrêté en date du 2 février 1993 par lequel le préfet du Tarn a autorisé M. et Mme PUECH à édifier un barrage réservoir au lieu-dit Grelac, commune de Moulares ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner M. Lacroux à verser M. et Mme PUECH la somme de 5 000 F en application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; que ces dispositions font obstacle à la condamnation de l’Etat et de M. et Mme PUECH qui ne sont pas parties perdantes dans la présente instance à verser à M. Lacroux la somme qu’il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 24 septembre 1996 du tribunal administratif de Toulouse est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. Lacroux devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions tendant à l’application par la cour des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont rejetées.


Commentaire lu sur http://texteau.ecologie.gouv.fr:

Avant la loi du 3 janvier 1993 et ses décrets du 29 mars 1993, la police de l’ eau s’ appliquait exclusivement sur les cours d’ eau (en particulier non domaniaux), le juge exigeant pour qualifier un cours d’ eau, hors zone de montagne et méditerranéenne, l’ existence à l’ origine d’ un lit naturel, permanent et un débit pérenne apprécié au cas par cas à l’ exclusion de toute ravine recueillant des eaux pluviales de façon intermittente (CE 22 février 1980 M. POURFILLET, AJDA 1980, p. 487, R.D. Rural 1981 p. 314).

Théoriquement, si le caractère de cours d’ eau n’ est pas reconnu à tel ruisseau, un ouvrage sur lequel il est construit échappe à la police de l’ eau. Il en allait ainsi s’ agissant d’ un barrage réservoir construit dans un thalweg qui ne saurait, aux dires de la jurisprudence, être qualifié de cours d’ eau puisqu’ il ne se trouve alimenté que de manière intermittente, ne disposant donc pas de débit pérenne.

Toutefois, une telle distinction tend à perdre de son intérêt puisque depuis la parution du décret n° 93-743 du 29 mars 1993 « nomenclature » modifié par le décret n° 99-736 du 27 août 1999 de tels barrages-réservoirs même édifiés en dehors des cours d’ eau sont pris en compte par la rubrique 2.7.0 (création d’ étangs ou de plans d’ eau, les seuils d’ autorisation variant désormais de 1 à 3 ha en fonction de la sensibilité du milieu dans lequel s’ écoulent les eaux). Par ailleurs, au lieu de se référer à l’ article 106 du code rural (article L.215-9 du code de l’ environnement), le juge n’ aurait-il pas dû user de ses pouvoirs de plein contentieux pour juger au moyen du droit applicable au jour du jugement et non au moyen de celui applicable au moment de la construction de l’ ouvrage ?