SECTION DÉPARTEMENTALE DE L’AGRICULTURE DES COTES DU NORD
Service Hydraulique et Forestière
Police des Eaux
Définition des droits fondés en titre
"Ce sont ceux acquis antérieurement à l’abolition de la féodalité soit par convention, prescription, destination de père de famille ou même déclaration d’utilité publique, en vertu fr. quoi aurait été conféré à des non riverains u droit à l’usage de l’eau" (FABREGETTE, tome. II, page 669 à 681).
La Cour de Cassation s’est prononcée à diverses reprises et, notamment dans l’arrêt du 17 juillet 1866 GRIMARDIAS, où elle déclare :
"Ni les lois révolutionnaires, ni la législation intermédiaire, ni le Code Civil n’ont porté atteinte aux droits régulièrement émanés de la puissance féodale aux profits des particuliers "non seigneurs".
et dans l’arrêt du 15 novembre 1904 RAMBAUX et MARCEAUX où elle confirme les mêmes droits :
"Dans le courant des siècles, les seigneurs hauts justiciers, avaient réussi à transformer en un droit de propreté ou d’usage sur les cours d’eau ce qui, dans son origine, n’aurait été qu’un droit de police ou de surveillance, comme émanation de la puissance féodale. Les droits transmis par eux à des tiers ont donc pour ceux-ci la valeur de droits patrimoniaux. Ils ne se trouvent pas atteints à ce titre par les lois abolitives de la féodalité".
Un des arrêts précités affirme, en d’autres termes, que l’article 644 du Code Civil a laissé intacts les droits sur les eaux régulièrement émanés de la puissance féodale à des particuliers non seigneurs.
Quand les usines fondées en titre sont installées sur des cours d’eau non domaniaux, elles échappent aux limitations dans l’intérêt des autres riverains.
Elles confèrent à leur possesseur un droit d’eau prioritaire par rapport à ceux des autres riverains. Ceux-ci sont tenus de les respecter. Ils ne pourraient ni demander un règlement d’eau selon l’article 645 du Code Civil ni faire limiter judiciairement le volume des eaux que ces usines utilisent (Cassation 15 Novembre 1904, DALLOZ 1907. 3.346).
Droits fondés en titre sur les cours d’eau non domaniaux
Ce sont essentiellement :
1) ceux qui sont afférents à des ouvrages autorisés ou même simplement établis, avant l’abolition du régime féodal (4 août 1789).
2) les droits afférents à des ouvrages aliénés au profit de la nation à la suite de la mainmise de l’Etat sur les biens de l’Eglise et des émigrés. (Cf. circulaire du 27 janvier 1976 relative aux cours d’eau mixtes - J.O. du 26 février 1976).
Preuves du droit fondé en titre
Il incombe au pétitionnaire d’apporter la preuve de son droit suivant le cas :
a) soit par le texte de la concession qui a été consentie par les anciens seigneurs
b) soit par le titre de la vente nationale des biens dont il est propriétaire
c) soit par les documents apportant la preuve incontestée de l’existence des ouvrages avant l’abolition de la féodalité.
La justification notariée de l’existence d’un établissement ne fonde en elle-même aucun droit si celle-ci n’apporte pas la preuve formelle que l’établissement entre bien dans l’une des catégories ci-dessus.
Perte du droit d’eau fondé en titre
Le fait qu’un établissement fondé en titre ait cessé de fonctionner depuis plus de trente ans n’implique nullement que le titulaire du droit fondé en titre perde de ce fait d’usage de l’eau.
La notion de prescription n’a pas réalité en maîtrise de droits fondés en titre.
Toutefois, le droit fondé en titre lui-même, qui n’est pas un droit de propriété, est susceptible de se perdre lorsque la situation de fait implique une véritable renonciation de la part de l’usinier.
Cf. TROTE - Traité des eaux non domaniales édition 1952 tome II page 1286 - Tribunal Civil de la Seine - 27 Février 1935 (S.1936.2145 note MESTRE).
Ainsi, le droit de l’usinier fondé en titre est considéré comme périmé quand il ne subsiste plus de l’établissement que des vestiges et que la force motrice n’est plus susceptible d’être utilisée.
Le caractère essentiel retenu par la jurisprudence est l’état des ouvrages destinés à utiliser le cours, le volume d’eau et la pente de l’état des installations et non la durée pendant laquelle le fonctionnement de l’établissement a été interrompu.
Ainsi, le Conseil d’Etat ’9 avril 1897 Ville de MONTPELLIER) dans un arrêt qui conserve toute sa portée, a alloué une indemnité pour une usine fondée en titre fermée depuis plus de quarante ans motif pris que "les ouvrages destinés à utiliser le cours, le volume et la pente subsistaient et la force motrice était susceptible d’être utilisée".
Réglementation des usines fondées en titre
Une jurisprudence constante et très ancienne reconnaît que "l’administration a le droit de régler dans un but d’utilité générale et pour assurer le libre écoulement des eaux, le régime des Moulins établis sur les rivières et que ce droit s’applique aussi bien aux Moulins établis avant 1789 qu’à ceux dont l’établissement est postérieur à cette date ..." (Conseil d’Etat 3 juin 1881 PISSEVIN).
étant entendu que
"Les pouvoirs imprescriptibles de police de l’administration ne sauraient être mis en échec par une longue possession alors même qu’elle remonterait à une période antérieure à l’abolition de la féodalité".
Conseil d’Etat 22 octobre 1830 COUPLET Recueil page 477
Conseil d’Etat 6 juillet 1928 OLLAGNIER DH 1928 page 479
Conseil d’Etat 19 mars 1937 CABROL Recueil page 369
Conseil d’Etat 16 mai 1944 FLOQUET Recueil page 142
Conseil d’Etat 22 décembre 1950 TERRIEN Recueil page 636
Conseil d’Etat 16 mars 1960 GUIGNARD Recueil page 500
La circulaire n°5007 du 17 janvier 1975 du Ministère de l’Agriculture (non publié au J.O.) concernant la police des cours d’eaux sur les cours d’eaux non domaniaux confirme :
a) que les ouvrages fondés en titre sont assimilés à ceux qui ont été régulièrement autorisés : leur réglementation équivaut à une modification et, si elle n’est pas demandée par le propriétaire, ne peut être entreprises par l’Administration qu’en application de l’article 109 du Code rural, c’est-à-dire lorsqu’elle est motivée par l’un des cas cités par cet article
b) qu’avant l’instruction de toute demande de modification ou d’abrogation de règlement d’eau, de réglementation d’un ouvrage fondé en titre ou d’application de l’article 109 du Code Rural, l’assentiment du Ministre doit être recueilli en application de l’article 15 du décret du 1er août 1905. On doit signaler à ce sujet que, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat (arrêt LABAT du 27 juin 1973) une demande de révocation d’autorisation précédemment accordée ne peut être rejetée pour le seul motif que cette révocation porterait atteinte aux intérêts des propriétaires riverains et à la salubrité, une autorisation administrative ne créant aucun droit au profit des tiers.
c) que les divers cas cités par l’article 109 du Code Rural et, notamment la nécessité de sauvegarder la salubrité publique et l’alimentation en eau potable des centres habités, sont les seuls dans lesquels l’administration, considérée comme agissant dans l’intérêt général, et non dans un intérêt seulement collectif peut rejeter une demande d’autorisation c’est-à-dire la mise en oeuvre des droits des riverains.
Dans le cadre de la loi de 1898 le Conseil d’Etat a jugé que :
"La modification, sans indemnité, de l’autorisation accordée sur les cours d’eau non domaniaux, telle qu’elle est prévue par l’article 109 du Code Rural s’applique non seulement à l’égard des ouvrages autorisés en vertu des lois du 20 août 1790 et 6 octobre 1791 et l’article 11 de la loi du 8 avril 1898, mais encore à l’égard des usines fondées en titre comme établies antérieurement à l’abolition des droits féodaux" (C.E. OLLAGNIER 6 juillet 1928, 28.01.1936 LOURY R.L. p 132 ; 09.06.1937 - LOURY R.L. p.575 ; 05.11.1948 GARNIER - R.L. p.412).
Utilisation de l’énergie hydraulique par les Moulins fondés en titre
Pour l’utilisation de l’énergie hydraulique, les propriétaires d’usines fondées en titre ne sont pas tenus, pour disposer de l’énergie correspondant à la consistance de l’Etat (article 29 de la loi du 15 octobre 1919 sur l’utilisation de l’énergie hydraulique).
La consistance légale est en principe celle fixée au titre l’origine. Si ce titre est muet, c’est le tribunal administratif qui tranche (Conseil d’Etat 9 juin 1937 LOURY Recueil page 675).
En d’autres termes, le titulaire d’un doit fondé ne peut convoquer celui-ci que dans les strictes dudit droit, qui sont déterminées par la situation existant au moment ou ce droit a été acquis à ses auteurs. Pour tout travail nouveau, pour tout accroissement de la consistance légale, l’établissement fondé en titre rentre pour ce travail ou pour cet accroissement sous l’empire du droit commun.
Mais il doit être précisé que si l’existence légale confère des droits limités, son titulaire dispose de la totalité des droits que peut lui donner sa fondation en titre.
En outre, la jurisprudence admet que l’usinier peut sans accroître la force motrice dont il peut légalement disposer pour mieux utiliser cette dernière par une amélioration des installations, dès lors qu’il ne change rein aux ouvrages régulateurs de la retenue de l’usine ou au régime des eaux (Conseil d’Etat 8 juillet 1866 - Recueil page 884 conclusions AUROC).
Les articles 24 et 26 de la loi du 15 juillet 1980 n’ont pas modifié les dispositions de la loi du 16 octobre 1919 concernant les usines fondées en titre.
L’usinier fondé en titre peut, ainsi, sans savoir à solliciter l’autorisation ou de concession, utiliser la puissance à laquelle qui donne droit sa fondation en titre. La liste des Moulins acquittant la taxe de statistique en 1923 ou 1957 fournit une indication sur cette puissance.
Il est inexact d’affirmer qu’un droit fondé en titre ait été délivré dans un but précis, celui de moudre le grain, la jurisprudence faisant référence à la notion de puissance fondée au titre, l’usinier devra, selon que la valeur de l’accroissement est inférieur ou supérieur à 4 500 kW (loi du 15 juillet 1980) obtenir, pour cet accroissement, l’autorisation ou la concession prévue à l’article 25 de la loi précitée.
Réglementation des débits de prise d’eau des Moulins fondés en titre.
Ce problème se pose fréquemment dans la mesure où les titres anciens sont, dans la très grande majorité des cas, muets quant au débit que l’usinier est autorisé à dériver ou à prélever.
En l’absence de toute indication sur le débit prélevé, le service instructeur vérifie, à l’occasion de tout aménagement de l’entreprise., que le projet n’outrepasse pas la consistance légale que l’on peut raisonnablement supposer des ouvrages d’origine. Si tel n’est pas le cas, une autorisation doit être sollicitée.
Dans l’hypothèse où par ailleurs le service instructeur constante que l’entreprise a déjà fait l’objet de modifications qui ont eu pour conséquence d’apporter un changement aux ouvrages régulateurs de retenue ou au régime des eaux la régularisation peut être engagée ou la remise en état des lieux ordonnée ?
En l’absence de telles modifications, on peut admettre que le titulaire demeure dans le cadre de son droits fondé en titre et n’est pas soumis à autorisation.
(lettre du Ministère de l’Environnement - Direction de la Prévention des Pollutions du 6 juillet 1981 concernant la Police des Eaux et les "micro-centrales" sur les cours d’eau non domaniaux).
Si l’usinier, sans modifier le volume d’eau dérivé, se borne seulement à mieux aménager ses ouvrages intérieurs ou extérieurs à l’effet d’obtenir une meilleure utilisation, la force supplémentaire ainsi produite devrait être considérée comme rentrant dans la consistance légale de l’usine.
addendum concernant les cours d’eau domaniaux :
Article L 3111-2 du Code Général de la propriété des personnes publiques : Le domaine public maritime et le domaine public fluvial sont inaliénables sous réserve des droits et des concessions régulièrement accordés avant l’édit de Moulins de février 1566 et des ventes légalement consommées de biens nationaux .