Consistance légale et travaux autorisés
Cour administrative d’appel de Bordeaux 30 mars 2000
Considérant que, par lettre du 11 janvier 1994, M. ESCOT qui avait acquis de Mme Bechade l’usine hydraulique du Maqueteau, située sur la Vienne dans la commune de Saint-Léonard-de-Noblat, a demandé au préfet de la Vienne de reconnaître la puissance fondée en titre de cet ouvrage ;
que, par la décision contestée contenue dans une lettre en date du 16 juin 1994, le préfet de la Vienne a estimé que, selon un état statistique du 9 octobre 1862, la puissance fondée en titre, qu’il avait déjà indiquée à Mme Bechade, était de 104 cv soit 76,54 Kw correspondant à une hauteur de chute en eaux ordinaires de 1,2 m et à un débit dérivé s’établissant à 6,5 m3/s ;
que, saisi d’une demande tendant à l’annulation de cette décision, le tribunal administratif de Limoges, après avoir fait procéder à une expertise afin de déterminer et chiffrer la consistance légale des droits fondés en titre du demandeur, a rejeté la demande de M. ESCOT au motif que si l’expert a estimé que la consistance légale du moulin du Maqueteau doit être établie à 365 cv, "des recherches ultérieures ont permis de disposer, non seulement d’un plan précis du moulin en 1826 mais aussi d’un descriptif de ses équipements ainsi que d’un relevé des dimensions exactes des vannes existantes à cette époque ;
que la production de ces documents, établis à une date la plus proche de celle reconnaissant les droits fondés en titre et permettant de déterminer le caractère certain et non présumé des équipements, ainsi que la puissance hydraulique utilisable à partir des vannes existant à cette époque, doit être retenue pour apprécier la consistance légale résultant des droits fondés en titre ;
qu’il résulte de ces documents que cette consistance légale s’établit à un chiffre de l’ordre de 100 cv ..." ;
Considérant, en premier lieu, que pour demander l’annulation du jugement attaqué, M. ESCOT soutient, sans être contredit par l’administration sur ce point, que la vérification des dimensions portées sur les plans de 1826, produits après l’expertise ordonnée en première instance, fait apparaître que les ouvrages de retenue d’eau existant antérieurement n’ont subi aucune modification qui aurait pour effet d’augmenter la puissance de l’usine ;
Considérant, en deuxième lieu, que, devant la cour, le ministre fait valoir que trois séries de travaux autorisés par des arrêtés préfectoraux du 2 août 1892, 24 avril 1902 et 22 août 1908 ont modifié l’ouvrage initial ;
qu’il ressort des pièces du dossier que le premier arrêté autorisait l’élargissement de l’îlot qui servait d’assise à une partie des bâtiments du moulin et le rescindement d’un pertuis, que le deuxième autorisait le dérasement du barrage à une hauteur supérieure à 10 cm à sa hauteur antérieure et que le troisième autorisait la prolongation du canal de fuite par un mur de 30 m de long ;
que toutefois, ainsi qu’il avait déjà été jugé par le tribunal administratif de Limoges, saisi par Mme Bechade, dans un jugement du 7 mars 1996, il n’est nullement établi que ces travaux aient été effectués en infraction aux règlements et autorisations susvisées et aient eu pour conséquence d’apporter une modification à la consistance légale de l’ouvrage ;
qu’il ne résulte pas de l’instruction que le rescindement d’un pertuis et la construction d’un mur pour prolonger le canal de fuite auraient pour effet d’augmenter irrégulièrement la puissance de l’ouvrage ;
que, de même, aucun élément ne permet de considérer que la hauteur de la chute d’eau aurait fait l’objet d’une modification illégale ;
Considérant que, dans ces conditions, il n’est pas établi que des modifications susceptibles d’accroître la puissance fondée en titre aient été apportées dans la consistance des ouvrages de la retenue d’eau prise en considération par l’expert désigné en première instance selon lequel la consistance légale du moulin du Maqueteau doit être fixée à 365 cv ;
qu’il suit de là que la décision en date du 16 juin 1994 par laquelle le préfet de la Vienne a estimé que la puissance fondée en titre de cet ouvrage était de 104 cv soit 76,54 Kw, basée sur une appréciation inexacte des faits, est entachée d’excès de pouvoir ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de prononcer la mesure d’instruction sollicitée, M. ESCOT est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Limoges en date du 5 décembre 1996, ensemble la décision contenue dans la lettre du préfet de la Vienne en date du 16 juin 1994 sont annulés.
Commentaire lu sur http://texteau.ecologie.gouv.fr:
Le juge peut refuser d’ admettre qu’ une série de travaux réalisés successivement sur un ouvrage ait eu pour conséquence d’ apporter une modification à la consistance légale de cet ouvrage, les deux paramètres essentiels à prendre en compte étant la hauteur de chute et le débit dérivé.
Il en va toutefois différemment s’ agissant d’ un ouvrage dont la hauteur maximale brute mentionnée sur l’ inventaire des Ponts et chaussées de 1878 était de 3 mètres alors qu’ en 1946 elle était à 4 mètres et qu’ il ressort du dossier que le barrage a été surélevé de 0,30 à 0,40 mètre par son propriétaire en 1898 (T.A. Clermont-Ferrand 27 décembre 1999 SARL DECOUR c. préfet du Puy-de-Dôme, requête n° 97780).