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Publié : 26 janvier 2013

Le droit de se clore

par M. Nicaudie mars 2006 - Veille Juridique des Riverains

La LOI et les USAGES LOCAUX

Le droit de se clore est un attribut du droit individuel de propriété, qui résulte de la Déclaration des Droits de l’Homme du 26 AOÛT 1789, époque de reconstruction de la Société après l’effondrement du système féodal et de l’Absolutisme royal, en décadence depuis le XVIII ieme Siècle. Cette Déclaration est le fondement de tout notre Droit et de nos Constitutions, dont celle de 1958 encore en vigueur, après l’échec du Référendum sur la Constitution européenne en 2005.

QU’EST-CE QUE LA PROPRIÉTÉ ? Ses limites.

La propriété entière sur une chose est le droit de se servir, de jouir, et de disposer de cette chose selon sa convenance ( c’est le cas d’une parcelle de terre ), MAIS sans pouvoir contrevenir aux LOIS et RÈGLEMENTS, ni même aux principes d’une bonne MORALE. ( Commentaire sur le CODE CIVIL par C. PICOT, Eugène PICK éditeur, Paris 1860)

I - LE DROIT DE SE CLORE

Tout propriétaire peut enfermer son terrain et protéger sa vie quotidienne des autres dans les limites résultant du bornage réalisé par un Géomètre Expert, dont le rapport est communiqué obligatoirement au Service du Cadastre ou d’un Acte notarié enregistré au Service des Hypothèques.

Article 647 du Code Civil : Tout propriétaire peut clore son héritage.

C’est un droit absolu, mais qui a ses limites et ses règles.

La LOI et les USAGES LOCAUX

L’Article 682 du Code Civil prévoit une servitude légale au profit de son voisin, dont la parcelle est enclavée, pour accéder à une voie publique.

Les Articles 653 et 666 du Code Civil définissent la MITOYENNETE qui est un droit de propriété dont deux personnes jouissent en commun. La mitoyenneté suppose l’existence de deux parcelles contiguës. Ainsi le mur qui les sépare est présumé mitoyen par l’article 666, sauf CONTESTATION et Preuve contraire. Ainsi le mur construit sur la limite cadastrale (sur les bornes posées par le géomètre) est mitoyen et devait être construit à frais communs. Si ce n’est pas le cas, il peut être contesté.

L’Article 654 définit un mur non mitoyen, par deux caractères :

- Il dispose d’un plan incliné à son sommet qui oriente l’écoulement de la pluie vers le terrain du propriétaire

Ou bien, il existe du côté du terrain du propriétaire dans toute la largeur du mur des pierres qui dépassent sur le terrain du propriétaire. ( les corbeaux de nos Usages locaux )

L’Art. 663 du Code Civil précise que dans les Villes et Faubourgs, chacun peut contraindre son voisin à contribuer à une clôture. ce n’est qu’une possibilité en zone rurale. Dans ce dernier cas cet article fixe à 2 mètres 60 la hauteur de la clôture Les Usages locaux peuvent prévoir une autre hauteur qui prime celle de la Loi. C’est le cas en Sud Deux-Sèvres où la hauteur est de 2 M. 00. Là où il y a un POS ou un PLU, c’est la norme du Règlement d’Urbanisme qui s’impose si elle existe.

( Recueil des Usages locaux des Deux-Sèvres par A. MARTIN, 1904 chez Clouzot à Niort)

II - DISTANCE DES PLANTATIONS ET DES MURS NON MITOYENS

ACCES A LA RIVIERE

La distance des plantations en Sud DEUX-SEVRES par rapport aux limites de propriété est identique à celles de la Loi et du CODE CIVIL, soit 0 m 50 pour les boisements inférieurs à 2 m 00 de haut et 2 m 00 minimum pour les arbres dits de haute tige, soit supérieurs à 2mOO, selon l’Art. 671 du Code Civil.

Pour l’accès aux cours d’eau les règles sont différentes s’il s’agit de rivières DOMANIALES où le droit de Pêche est toujours loué aux AAPPMA et où un passage minimum de 1 m 50 doit être réservé aux pêcheurs - et de rivières NON DOMANIALES . Dans ce dernier cas, la règle est qu’il n’y a pas de droit de passage sur berge ni d’ailleurs sur les biefs de moulin, sauf s’il y a BAIL de PECHE au profit d’une AAPPMA. Il y a alors une convention d’accès à la berge écrite dans le Bail. En dehors de ce cas, le propriétaire peut "tolérer" les pêcheurs et les interdire par pancarte quand il retire la tolérance. Le CODE RURAL en son Article 98 dit que le lit des cours d’eaux NON DOMANIAUX appartient aux propriétaires des deux rives. Chacun d’eux a la propriété de la moitié du lit en face de sa propriété et donc le droit de pêche, qu’il peut légitimement ne pas exercer. S’il veut pêcher, il doit adhérer à une AAPPMA ( Loi pêche de 1984)..

III - POLICE DES CLOTURES

La LOI du 6 janvier 1986 (Art. 441-1 et suivants du Code de L’URBANISME) donne au MAIRE un pouvoir de contrôle de la mise en place des clôtures.

Lorsqu’un propriétaire se propose d’élever un mur de clôture, il doit déposer en Mairie une DECLARATION avec description de l’ouvrage et lieu d’implantation.

En cas d’irrégularité, le MAIRE ne peut ordonner la destruction d’une clôture non conforme, soit aux règles d’urbanisme, soit portant atteinte au droit de propriété du voisin. Par contre, il peut en tant que Magistrat municipal faire une démarche d’arbitrage, puis appeler le Conciliateur cantonal.

Si ces deux démarches sont infructueuses, le ou les voisins doivent intenter une action en Justice au Tribunal d’instance, selon une procédure qui n’exige pas forcément recours à un Avocat et avec l’appui préférable du Maire.


question : peut-on clore son bief traversant une propriété, ou inversement...?

Si le bief est inclus dans la propriété du moulin, la réponse est simple :
fais ce que voudras.

Si le bief et notamment les canaux d’amenée et de fuite traversent des
propriétés étrangères à celle du moulin, le propriétaire du moulin a
toujours un droit de passage sur les francs-bords justifié par l’entretien du
canal : curage, enlèvement des embâcles ou débroussaillage. Le code civil
est clair : tout propriétaire peut clore sa propriété. D’où la réponse à
la question posée : :

- le propriétaire du terrain jouxtant le canal ne peut pas le clore sur une
largeur définissant le franc-bord qui varie en fonction de la pente
naturelle de la rive du canal puisqu’il doit souffrir le droit de passage du
propriétaire du moulin quand il entretient la rive de son canal.
- le propriétaire du moulin ne peut pas clore son canal parce que s’il est
bien utilisateur dudit canal, il n’est pas propriétaire de la rive de ce
canal à la suite de ventes effectuées dans le passé.
- Au mieux, il pourrait exister un accord entre le propriétaire riverain du
canal et le propriétaire du terrain établissant l’endroit précis pour
implanter la clôture parallèlement à la rive du canal à une distance
suffisante permettant au propriétaire du moulin d’entretenir la rive du
canal. L’initiative de cet accord ne peut venir que du propriétaire du terrain bordant le canal.

Une autre question se pose sur la largeur : s’agit-il de la largeur
suffisante permettant le passage d’un homme à pied ou avec un tracteur ?

Le passage d’une charrette quand le terrain le permet était autorisé. Maintenant le passage d’un tracteur est possible mais toujours et uniquement à l’occasion de l’entretien de la rive du canal.

Il est évident que le meilleur conseil à donner est de tout faire pour avoir la
maîtrise foncière totale du moulin et de ses accessoires.
Dans le cas contraire, il faut tout faire pour que des accords écrits soient
passés avant l’achat du moulin. Je pense, en l’occurrence, à ce cas
exceptionnel de bail emphytéotique portant sur le droit d’eau ! J’ai la
copie de l’acte notarié que le notaire aurait dû empêcher. Dans ce cas d’exception juridique, l’achat du moulin est vidé de son sens puisque le "propriétaire" ne peut pas manœuvrer ses vannages ni même exercer son droit d’eau !

Marc Nicaudie, avril 2006