Conseil d’ État - 21 mai 2008
Considérant qu’ il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société SJS exploite dans la commune de Bourguignon un établissement autorisé à utiliser la force motrice de l’ eau sur le Doubs depuis 1634, avant le rattachement de la Franche-Comté à la France par le traité de Nimègue, et que cet établissement a été vendu comme bien national en 1797 ;
qu’ ainsi, il bénéficie d’ un droit d’ eau fondé en titre ;
que toutefois, il a fait l’ objet de décisions administratives, et en particulier d’ un décret de 1854 relatif à l’ autorisation à la fois de l’ usine de fer et de l’ ouvrage hydraulique ;
qu’ il n’ est pas sérieusement contesté que sa puissance est de 900 KW alors que celle correspondant au droit fondé en titre est équivalente à 180 KW ;
qu’ ainsi, la société SJS aurait dû, comme elle y avait été invitée par l’ administration, déposer une demande de renouvellement de son autorisation en application de l’ article 18 de la loi du 16 octobre 1919 ;
que toutefois, la circonstance qu’ elle ne bénéficiait pas d’ une autorisation en règle au moment de l’ introduction de sa requête devant le tribunal administratif ne la privait pas, au regard de son droit fondé en titre, même limité, d’ un intérêt pour agir contre les arrêtés fixant les conditions d’ exploitation de la société d’ exploitation électrique de Mathay (SEEM) dont le barrage est situé en aval de celui de la société SJS et influe sur sa production ;
qu’ ainsi, en confirmant le jugement du tribunal administratif de Besançon au motif que la société SJS n’ avait pas d’ intérêt pour agir, la cour administrative d’ appel de Nancy a entaché son arrêt d’ une erreur de droit ;
que cet arrêt doit être annulé ;
Considérant qu’ il y a lieu, dans les circonstances de l’ espèce, de faire application des dispositions de l’ article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l’ affaire au fond ;
Considérant que pour le motif indiqué ci-dessus, le jugement du tribunal administratif de Besançon, fondé sur l’ absence d’ intérêt à agir de la société SJS, doit être annulé ; Considérant qu’ il y a lieu, dans les circonstances de l’ espèce, d’ évoquer et de statuer sur la demande présentée par la société SJS devant les premiers juges ;
Considérant que les conclusions tendant à ce que les rehausses du barrage de Mathay soient considérées comme mobiles sont en tout état de cause sans objet dès lors que l’ arrêté du 8 août 1995 le prévoit expressément ;
Considérant que pour demander que la cote des plus hautes eaux du barrage de Mathay soit fixée par l’ arrêté préfectoral relatif à la société d’ exploitation électrique de Mathay à 338,60 NGF et non à 339,25 NGF, la société SJS se borne à soutenir que cette prescription lui porterait un préjudice dans son fonctionnement ;
qu’ ainsi qu’ il a été dit plus haut, cette société ne bénéficie pas d’ une autorisation régulière déterminant ses conditions d’ exploitation et ne se prévaut pas d’ une atteinte à ses seuls droits fondés en titre, à hauteur d’ une puissance équivalente à 180 KW ;
que, par suite, elle n’ est pas fondée à soutenir que les prescriptions fixées pour la SEEM lui porteraient un préjudice ni à demander que l’ Etat soit condamné à l’ indemniser d’ un tel préjudice ;
que dans ces conditions, ses conclusions doivent être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : L’ arrêt de la cour administrative d’ appel de Nancy en date du 24 juin 2004 et le jugement du tribunal administratif de Besançon en date du 29 juin 2000 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par la société SJS devant le tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de la société SJS tendant à l’ application des dispositions de l’ article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La société SJS versera à la SEEM la somme de 2 500 euros au titre de l’ article L. 761マ1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIÉTÉ S.J.S., à la société d’ exploitation électrique de Mathay et au ministre d’ Etat, ministre de l’ écologie, de l’ énergie, du développement durable et de l’ aménagement du territoire.