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Publié : 27 janvier 2013

Décision par le préfet de suspension d’un contrat d’achat EDF . (dec 2007)

Conseil d’ État - 10 décembre 2007

M. A et la SARL FORCES ENERGIES ÉLECTRIQUES demandent au Conseil d’ Etat :

1°) d’ annuler l’ arrêt en date du 17 octobre 2005 par lequel la cour administrative d’ appel de Nancy a rejeté leur requête tendant, d’ une part, à l’ annulation du jugement du 22 janvier 2002 du tribunal administratif de Nancy rejetant la demande de M. A dirigée contre la décision du 1er février 1999 du préfet de la Meuse le mettant en demeure de rétablir la micro-centrale dont il était propriétaire dans les limites de son droit d’ eau, la demande de M. A et de la SARL FORCES ENERGIES ÉLECTRIQUES dirigée contre le procès-verbal d’ infraction du 13 octobre 1999 et l’ arrêté du 7 décembre 1999 du préfet suspendant le contrat d’ achat d’ électricité conclu avec EDF et la décision du 17 avril 2000 leur refusant l’ autorisation d’ exploiter une micro-centrale, et, d’ autre part, à l’ annulation de ces décisions ;

2°) statuant au fond, d’ annuler le jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2002 et les décisions du préfet de la Meuse ;

Sans qu’ il soit besoin d’ examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu’ il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les décisions contestées du préfet de la Meuse ont été prises sur le fondement de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’ utilisation de l’ énergie hydraulique et du décret du 6 novembre 1995 relatif à l’ autorisation des ouvrages utilisant l’ énergie hydraulique ;

Considérant qu’ aux termes de l’ article 1er de la loi du 16 octobre 1919 : « Nul ne peut disposer de l’ énergie des marées, des lacs et des cours d’ eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’ Etat (…) » ; qu’ aux termes de l’ article 10 de la même loi, applicable aux concessions : « Le cahier des charges détermine notamment : (…) 2° Le règlement d’ eau et en particulier les mesures intéressant la navigation ou le flottage, la protection contre les inondations, la salubrité publique, l’ alimentation et les besoins domestiques des populations riveraines, l’ irrigation, la conservation et la libre circulation du poisson, la protection des paysages, le développement du tourisme (…) » ;

Considérant qu’ aux termes de l’ article L. 214-1 du code de l’ environnement, issu de l’ article 10 de la loi du 3 janvier 1992 sur l’ eau : « Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d’ écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d’ alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants » ;

qu’ aux termes de l’ article L. 214-2 du même code : « Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’ article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d’ Etat après avis du Comité national de l’ eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques (…) » ;

qu’ aux termes du I de l’ article L. 214-3 du même code : « Sont soumis à autorisation de l’ autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’ accroître notablement le risque d’ inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles./ Les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’ article L. 211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d’ intervention en cas d’ incident ou d’ accident sont fixés par l’ arrêté d’ autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement (…) ;

qu’ aux termes de l’ article L. 214-5 du même code : « Les règlements d’ eau des entreprises hydroélectriques sont pris conjointement au titre de l’ article 10 de la loi du 16 octobre 1919 relative à l’ utilisation de l’ énergie hydraulique et des articles L. 214-1 à L. 214-6./ Ces règlements peuvent faire l’ objet de modifications, sans toutefois remettre en cause l’ équilibre général de la concession » ;

qu’ aux termes de l’ article L. 214-10 du même code : « Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues à l’ article L. 514-6 » ;

qu’ il résulte de l’ article L. 514-6 qu’ il investit le juge du pouvoir de statuer au vu de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision ;

Considérant que le décret n° 93-743 du 29 mars 1993 relatif à la nomenclature des opérations soumises à autorisation ou à déclaration en application de l’ article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’ eau, dans sa rédaction alors en vigueur, mentionne à la rubrique 6.3.1 de la nomenclature les entreprises hydrauliques soumises à la loi du 16 octobre 1919 relative à l’ utilisation de l’ énergie hydraulique ;

que le décret n° 93-742 du 29 mars 1993 relatif aux procédures d’ autorisation et de déclaration prévues par l’ article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l’ eau, dans sa rédaction alors en vigueur, prévoit que ses dispositions sont applicables aux installations, ouvrages, travaux ou activités soumis à autorisation par la loi du 16 octobre 1919 relative à l’ utilisation de l’ énergie hydraulique, sous réserve des dispositions du décret n° 95-1204 du 6 novembre 1995 relatif à l’ autorisation des ouvrages utilisant l’ énergie hydraulique ;

qu’ aux termes de l’ article 1er de ce dernier décret : « La réalisation, l’ aménagement et l’ exploitation des usines hydrauliques utilisant l’ énergie des marées, des lacs et des cours d’ eau et placées sous le régime de l’ autorisation prévu par la loi du 16 octobre 1919 susvisée sont soumis aux dispositions du présent décret./ L’ autorisation initiale et les modifications ultérieures éventuelles doivent respecter les règles de fond de la loi du 3 janvier 1992 sur l’ eau et valent autorisation au titre de l’ article 10 de cette loi./ Les dispositions du décret n° 93マ742 du 29 mars 1993 susvisé leur sont applicables sous réserve des dispositions des articles ci-dessous » ;

enfin que si les concessions d’ énergie hydraulique sont régies non par le décret n° 93-742 du 29 mars 1993, mais par le décret n° 94-894 du 13 octobre 1994, celui-ci prévoit, d’ une part, que les concessions d’ énergie hydraulique, les autorisations de travaux et les règlements d’ eau doivent respecter les règles de fond prévues par la loi du 3 janvier 1992 et, d’ autre part, que ces actes valent autorisation au titre de l’ article 10 de cette loi ;

Considérant qu’ il résulte de l’ ensemble de ces dispositions que les décisions relatives à la réalisation et l’ exploitation des ouvrages utilisant l’ énergie hydraulique trouvent leur fondement juridique à la fois dans la loi du 19 octobre 1919 et dans les articles L. 214-1 et suivants du code de l’ environnement ;

qu’ elles relèvent, dès lors, en application de l’ article L. 214-10 de ce code, d’ un contentieux de pleine juridiction, dans les conditions fixées par l’ article L. 514-6 ;

Considérant qu’ il ressort des termes mêmes de l’ arrêt rendu par la cour administrative d’ appel que celle-ci, pour rejeter la requête dont elle était saisie, s’ est placée aux dates auxquelles avaient été prises les décisions contestées ;

qu’ en statuant ainsi, alors qu’ il lui appartenait de se prononcer au vu de la situation de fait et de droit existant à la date de sa propre décision, elle a entaché son arrêt d’ erreur de droit ;

que M. A et la SARL FORCES ENERGIES ÉLECTRIQUES sont fondés à en demander, pour ce motif, l’ annulation ;

qu’ il y a lieu, dans les circonstances de l’ espèce, de faire application des dispositions de l’ article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’ Etat le versement de la somme de 2 500 euros que réclament M. A et la SARL FORCES ENERGIES ELECTRIQUES au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens .

D E C I D E :
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Article 1er : L’ arrêt de la cour administrative d’ appel de Nancy du 17 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : L’ affaire est renvoyée à la cour administrative d’ appel de Nancy.

Article 3 : L’ Etat versera à M. A et à la SARL FORCES ENERGIES ELECTRIQUES une somme de 2 500 euros au titre de l’ article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. René A, à la SARL FORCES ENERGIES ELECTRIQUES et au ministre d’ Etat, ministre de l’ écologie, du développement et de l’ aménagement durables.