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Publié : 12 février 2013

Le fait de fermer des vannes d’un barrage existant ne nécessite aucune autorisation, mais...défaut de dispositif maintenant dans le lit d’un cours d’eau un débit minimal ( 2002)

Débit réservé - fermeture de vannes

Cour de Cassation
Chambre criminelle
Audience publique du 26 novembre 2002 Cassation

Actualisé le 9 janvier 2003

Extraits

Statuant sur le pourvoi formé par :

- l’ASSOCIATION NATIONALE POUR LA PROTECTION DES EAUX ET RIVIERES, DITE TRUITE, OMBRE, SAUMON, (TOS), partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de DOUAI, 6ème chambre, en date du 20 septembre 2001, qui n’a pas entièrement fait droit à ses demandes après relaxe partielle de Bernard X... du chef d’infractions au Code de l’environnement ;

.....

Demande de TOS :

"en ce que l’arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Bernard X... du chef d’installation ou d’aménagement d’ouvrage ainsi que d’exécution de travaux dans le lit d’un cours d’eau de nature à détruire les frayères, les zones de croissance ou les zones d’alimentation ou de réserve de nourriture de la faune piscicole et d’avoir ainsi limité à la somme de 5 000 francs les dommages et intérêts octroyés aux associations FDAAPP du Pas-de-Calais et TOS ;

"aux motifs qu’en ce qui concerne la troisième infraction, à savoir l’exécution de travaux dans le lit de la rivière étant de nature à détruire les frayères les zones d’alimentation ou de réserves de nourriture de la faute piscicole, le jugement avait relevé qu’il résultait des termes même du procès-verbal que la destruction matérielle des frayères n’avaient pas été matériellement constatée ;

que l’expertise réalisée a conclu également à l’absence d’élément concernant la destruction des frayères ; que par ailleurs la prévention n’est pas adaptée à la situation du prévenu qui a un ouvrage existant qu’il peut faire fonctionner conformément à sa destination en vertu de son droit d’eau sans demander d’autorisation supplémentaire sous la réserve de respecter les articles L. 232—3 et L. 232-6 dont l’application aux données de l’espèce a d’ores et déjà été examinée ; que dès lors la relaxe prononcée de ce chef sera confirmée ;

"alors que le fait pour l’exploitant d’un barrage de fermer toutes les vannes y compris les vannes du bras de dérivation, à l’exception de la vanne au niveau de la turbine entraîne des conséquences de nature à détruire des frayères sans autorisation ;

qu’en décidant cependant, en l’état des constatations de l’arrêt, que la situation du prévenu qui a un ouvrage existant qu’il peut faire fonctionner conformément à sa destination en vertu de son droit d’eau sans demander d’autorisation supplémentaire et qu’en conséquence la relaxe doit être ordonnée, la cour d’appel a violé les textes susvisés" ;

Décision de la Cour :
Attendu que Bernard X... a été poursuivi pour avoir, sans autorisation, réalisé, dans un cours d’eau classé en première catégorie piscicole, un aménagement d’ouvrage de nature à déduire les frayères, les zones de croissance ou les zones d’alimentation ou de réserve de nourriture de la faune piscicole, fait prévu par l’article L. 232-3 du Code rural, devenu L. 432-3 du Code de l’environnement ;

Attendu que, pour le renvoyer des fins de la poursuite et rejeter les demandes de la partie civile de ce chef, l’arrêt retient que le fait de fermer des vannes d’un barrage existant ne nécessite aucune autorisation ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le deuxième moyen, pris de la violation des articles L. 432-1, L. 432-5, L. 432-8 du Code de l’environnement, L. 232-1, L. 232-5 et L. 232-8 du Code rural ancien, 2 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l’arrêt attaqué a prononcé la relaxe de Bernard X... du chef de défaut de dispositif maintenant dans le lit d’un cours d’eau un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux ;

"aux motifs que la première infraction qui est reprochée à Bernard X... est celle d’avoir à Tollent le 19 décembre 1996 exploité un ouvrage construit dans le lit d’un cours d’eau ne comportant pas de dispositif maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la libre circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux au moment de l’installation de l’ouvrage, sous le visa de l’article L. 232-1 du Code rural ;

que le procès-verbal ne reprenait pas cette infraction ;

qu’il convient d’indiquer par ailleurs que l’article L. 232-1 n’énonce sous des modalités très précises dans ses trois premiers alinéas la règle du maintien du débit minimal (à savoir un débit qui ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d’eau au droit de l’ouvrage en principe) que pour les ouvrages à construire et non pour les ouvrages existants au 30 juin 1994, à savoir pour les ouvrages existant à l’entrée en vigueur de la loi du 29 juin 1994 ;

que pour les ouvrages existant à cette date et tel est bien le cas du barrage du moulin d’Anconnay à Tollent, les dispositions de cet article ne sont pas applicables de plano mais uniquement par réduction progressive de l’écart par rapport à la situation actuelle, l’alinéa 6 énonçant les modalités de cette réduction ;

que la prévention ne reprochant au prévenu la violation des dispositions générales concernant l’ouvrage à construire sans l’adapter à sa situation de propriétaire d’un ouvrage existant au 30 juin 1994 et les énonciations du procès-verbal ne permettant pas de conclure que cette situation spécifique a été envisagée, il convient d’entrer par réformation sur ce point du jugement entrepris par voie de relaxe pour cette infraction ;

"alors que tout ouvrage existant au 30 juin 1984 dans le lit d’un cours d’eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux, ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d’amenée et de fuite ;

que ce débit minimal ne doit pas être inférieur au 10ème du module du cours d’eau au droit de l’ouvrage correspondant au débit moyen inter-annuel évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années ou au débit à l’amont immédiat de l’ouvrage si celui-ci est inférieur ;

qu’à compter du 30 juin 1987, ce débit minimal, sauf impossibilité technique inhérente à la conception de ces ouvrages, ne peut être inférieur au quart des valeurs ainsi fixées ;

qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que les gardes du Conseil Supérieur de la Pêche ont constaté le 19 décembre 1996 la fermeture de toutes les vannes du barrage d’Anconnay à Tollent à l’exception de la vanne de la turbine et des vannes du bras de dérivation droit, précisant que la fermeture brutale des vannes du barrage avait entraîné des conséquences dans les frayères du fait de leur mise hors d’eau et qu’elles avaient en outre été de nature à occasionner la mort des poissons tels que les chabots qui se cachent sous les pierres ;

que pour écarter la culpabilité de Bernard X..., exploitant du barrage, la cour d’appel a systématiquement appliqué le critère erroné de l’existence de l’ouvrage au 30 juin 1984, sans caractériser que l’ouvrage préexistant au 30 juin 1984 aurait donné lieu à la réduction progressive de l’écart entre les prescriptions légales et la situation à cette date pour parvenir au 30 juin 1987 à un débit minimal au moins égal au quart de la valeur fixée par la loi et de nature à garantir en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces ;

qu’en statuant ainsi, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés" ;

Vu l’article 593 du Code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour renvoyer Bernard X... des fins de la poursuite du chef d’exploitation d’un ouvrage construit dans le lit d’un cours d’eau ne comportant pas de dispositif maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la libre circulation et la reproduction des espèces peuplant les eaux, fait prévu par l’article L. 232-5 du Code rural, devenu L. 432-5 du Code de l’environnement, l’arrêt retient que l’ouvrage exploité par le prévenu a été construit avant le 30 juin 1984 et que "la prévention et les énonciations du procès-verbal ne permettent pas de conclure que cette situation spécifique a été envisagée" ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, par un motif inopérant, sans rechercher si le débit minimal de l’ouvrage a été mis en conformité avec les dispositions du sixième alinéa de l’article précité, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Douai, en date du 20 septembre 2001, mais en ses seules dispositions civiles relatives à l’infraction prévue par l’article L. 232-5 du Code rural, devenu L. 432-5 du Code de l’environnement, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation prononcée ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Amiens, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Douai, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;