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Publié : 1er mars 2013

Des captages communaux ont asséché les douves du château ( 2005 )

Cour Administrative d’Appel de Nantes
Lecture du 1 décembre 2005

M. X (Me Bardoul, avocat), contre la ville de Saint-Nazaire ;

Considérant que la ville de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) a mis en service en 1953 plusieurs captages répartis sur le bassin de Campbon, afin d’assurer l’alimentation en eau potable de sa population ;

qu’il en a résulté un abaissement du niveau de la nappe phréatique et localement des douves encerclant le château de Y situé dans le secteur

que la ville de Saint-Nazaire a alors accepté de réparer en nature les dommages résultant du fonctionnement de ces ouvrages de captage et a fait procéder à ses frais en 1956 au creusement d’un forage, dont elle a pris en charge l’entretien et les frais de fonctionnement, à proximité de ces douves, afin de compenser la baisse du niveau de l’eau par un apport extérieur

que cet apport se révélant insuffisant, elle a fait construire en 1968 un barrage sur le ruisseau le Guétard permettant de dériver une partie de ses eaux en direction des douves ;

que la demande de M. X devant le Tribunal administratif de Nantes tend à la condamnation de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire (CARENE), venant aux droits de la ville de Saint-Nazaire par suite d’un transfert de compétences, à l’indemniser des préjudices résultant de l’inefficacité des mesures prises pour réparer les dommages résultant du fonctionnement des captages d’eau potable pour le compte de cette collectivité, s’agissant, notamment, du défaut d’entretien du barrage susmentionné, qui ne permet plus d’éviter l’assèchement des douves ;

que, par jugement du 7 avril 2004, le Tribunal administratif de Nantes a condamné la CARENE à payer à M. X, d’une part, la somme de 6 097,96 euros en réparation des préjudices résultant du défaut d’entretien du barrage et d’un canal de dérivation, si mieux n’aime procéder aux travaux d’entretien, d’autre part, la somme de 1 500 euros en réparation des troubles de toute nature dans ses conditions d’existence, de troisième part, la somme de 6 502,77 euros en remboursement partiel des frais d’expertise ;

que la CARENE en relève appel alors que M. X conteste, par la voie du recours incident, le montant de l’indemnité qui lui a été allouée ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant que l’article 1er de l’ordonnance du 15 février 1999 du juge des référés du Tribunal administratif de Nantes prescrivant une mesure d’expertise à la demande de M. X a assigné à l’expert la mission, notamment, d’indiquer la nature et le coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres affectant les douves du château de Y et de donner, le cas échéant, au Tribunal, tous éléments lui permettant de se prononcer sur les différents chefs de préjudice subis par le demandeur ;

qu’il n’incombait donc pas à l’expert, hydrogéologue, de se prononcer obligatoirement sur les préjudices non matériels subis par M. X ;

que, dès lors, celui-ci n’est pas fondé à soutenir, par la voie du recours incident, que le jugement appelé a été rendu à la suite d’opérations d’expertise irrégulières ;

Sur les conclusions dirigées contre la CARENE :

Considérant que l’exploitation à partir de 1953 des ressources d’eau potable du bassin de Campbon par la ville de Saint-Nazaire a été la cause de dommages pour M. X, lesquels ont généré une créance à l’encontre de la collectivité maître d’ouvrage de ces travaux ;

que, toutefois, les effets mesurés du creusement d’un forage en 1956, puis de la construction d’un barrage sur le ruisseau le Guétard en 1968 ont constitué également le fait générateur de créances distinctes, mais de droit public dans la mesure où ces opérations tendaient à la réparation par la ville de Saint-Nazaire du dommage de travaux publics initial ;

que le phénomène d’assèchement des douves du château de Y que M. X impute à l’inefficacité de ces installations, se renouvelle chaque année ;

que, par suite, le président de la CARENE n’a pu, par sa décision en date du 25 mars 2002, valablement opposer à M. X, dont la demande au Tribunal administratif de Nantes a été enregistrée le 26 novembre 2001, la prescription quadriennale pour la période antérieure au 31 décembre 1997 ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expertise ordonnée par le juge des référés du Tribunal administratif de Nantes, que l’état de dégradation du barrage du Guétard ne permet plus, en dehors des périodes de hautes eaux, de dériver les eaux du ruisseau vers les douves du château de Y et de les maintenir à un niveau suffisant ;

que l’absence de curage du canal de dérivation reliant la prise d’eau aux douves contribue également à cette insuffisance ;

que la seule circonstance alléguée par la CARENE que ce fossé se situe sur la propriété de M. X n’établit pas que la ville de Saint-Nazaire ne se soit pas engagée lors de son creusement à prendre en charge son entretien comme elle l’a fait pour le forage d’alimentation des douves ;

que, néanmoins, la présence d’arbres en bordure de certaines parties des douves, d’une végétation abondante qui se développe au fond, la dégradation du seuil déversoir en aval de celles-ci, dont l’étanchéité n’est plus assurée sur toute sa hauteur, traduisent une attitude fautive de M. X ;

que cette faute est de nature à exonérer de moitié de sa responsabilité la CARENE, laquelle ne peut utilement faire valoir qu’en recalibrant le Guétard, la commune de Campbon a contribué à la réalisation du dommage ;

que si M. X bénéficie, comme tous les habitants du bassin de Campbon, de la fourniture gratuite d’eau potable, il ne peut être regardé comme ayant reçu indemnisation du préjudice dont il demande réparation dans la présente instance ;

Considérant que le montant non contesté des frais de remise en état du barrage sur le Guétard et du curage du canal de dérivation s’élève à la somme de 6 097,96 euros ;

qu’il sera fait une juste évaluation des troubles de jouissance de toute nature résultant de la baisse du niveau d’eau dans les douves, subis durant la période non frappée par la prescription quadriennale et constitués, notamment, par la disparition des poissons, la recrudescence de la végétation, les odeurs désagréables et la perte de l’agrément visuel des douves en eau en fixant le montant de ce préjudice à la somme de 12 000 euros ;

qu’en revanche, M. X, qui ne se réfère qu’aux troubles susdécrits appelés à disparaître dès la réalisation des travaux nécessaires, n’apporte aucun élément de nature à établir que sa propriété a subi une perte de valeur vénale ;

qu’ainsi, le préjudice qu’il a subi s’élève à la somme de 18 097,96 euros, dont 6 097,96 euros au titre des travaux de réfection et d’entretien du barrage et du canal de dérivation, si mieux n’aime la CARENE procéder à ces travaux ;

que, compte tenu du partage de responsabilité opéré, la part de ce préjudice dont l’indemnisation incombe à la CARENE doit être fixée à la moitié de cette somme, soit 9 048,98 euros ;

que, par suite, M. X est seulement fondé à soutenir, par la voie du recours incident, que la somme totale de 7 597,96 euros que, par le jugement attaqué, la CARENE a été condamnée à lui payer, doit être portée à la somme de 9 048,98 euros, dont 3 048,98 euros au titre des travaux de réfection et d’entretien du barrage et du canal de dérivation, si mieux n’aime la CARENE procéder auxdits travaux ;

Sur les frais d’expertise :

Considérant qu’il résulte du partage de responsabilité retenu ci-dessus dans la réalisation du préjudice, qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre ces frais, liquidés et taxés à la somme de 9 754,06 euros, à la charge pour moitié de la CARENE et non pas dans une proportion des deux tiers comme l’ont décidé les premiers juges ;

que celle-ci doit donc en supporter la charge à hauteur de 4 877,03 euros ;

...DÉCIDE :

Article 1er : La somme totale de 7 597,96 euros (sept mille cinq cent quatre-vingt-dix-sept euros et quatre-vingt-seize centimes) que, par les articles 1er et 2 du jugement du 7 avril 2004 du Tribunal administratif de Nantes, la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire a été condamnée à payer à M. X est portée à la somme de 9 048,98 euros (neuf mille quarante-huit euros et quatre-vingt-dix-huit centimes), dont 3 048,98 euros (trois mille quarante-huit euros et quatre-vingt-dix-huit centimes) au titre des travaux de réfection et d’entretien du barrage et du canal de dérivation, si mieux n’aime la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire procéder auxdits travaux.

Article 2 : Les frais d’expertise exposés en première instance sont mis à la charge de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire à hauteur de la somme de 4 877,03 euros (quatre mille huit cent soixante-dix-sept euros et trois centimes).

Article 3 : Les articles 1er, 2 et 3 du jugement du Tribunal administratif de Nantes sont réformés en ce qu’ils ont de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire et du recours incident de M. X sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d’agglomération de la région nazairienne et de l’estuaire, à M. Alban X et au ministre des transports, de l’équipement, du tourisme et de la mer.