Etat des lieux 10 ans, jour pour jour, après la LEMA 2006. Une triste décennie : des milliards d’euros dépensés, des effets collatéraux passés sous silence(1)… une pitoyable cacophonie. 2016 aura permis d’observer un ralentissement de la « production réglementaire ». Elle ne signifie pas un infléchissement politique du Ministère (MEEM) ni d’un manque d’inspiration et encore moins d’un revirement dogmatique. Alors ? Passée sous silence, quasiment ignorée de tous, une lourde réglementation s’est abattue sur les moulins et les étangs entre 2010 et 2015. Ceux qui s’imaginent encore être protégés par leur « droit d’eau » le furent pendant plus de deux siècles, mais tout a basculé en 5 ans. Ils doivent être informés.
Il nous a semblé nécessaire de faire le point sur ce funeste anniversaire.
Bruxelles
Pour atténuer les recensions locales, il est de bon aloi de se défausser sur l’UE (Union européenne) : « tout est imposé par Bruxelles ».
L’idée, tellement martelée, est ancrée chez les élus, les journalistes, les syndicats de rivière et ils la colportent. Ils n’ont jamais lu le texte car nulle part ne figure la moindre obligation d’aménager et encore moins de détruire les ouvrages hydrauliques.
NON, l’UE n’a jamais exigé de la France qu’elle détruise ses seuils, ses barrages et ses étangs. Elle demande qu’elle satisfasse ses obligations en termes d’amélioration de qualité des masses d’eau superficielles (nitrates, phosphates). Nous sommes loin du compte.
Le CE (Code de l’environnement)
La désinformation s’est poursuivie sur ce que la loi (communément appelée LEMA 2006 Loi sur l’eau et les milieux aquatiques) n’a jamais prévu : détruire les ouvrages. Elle exige qu’ils soient « gérés, équipés, entretenus » (art L.214-17 CE). De mémoire, l’objectif était d’atteindre le bon état écologique dans des conditions économiquement acceptables. Sur ce plan, ce fut le dérapage.
Sur simple croyance doctrinale, sans étude scientifique, les milliards d’euros dépensés devaient permettre d’obtenir avec autant d’aplomb que de certitudes, le « bon état 2015 ». Un échec cuisant.
La relecture de la loi par une poignée de penseurs (2)
La loi incarne la souveraineté portée par les représentants du peuple c’est-à-dire les parlementaires. Elle est « l’expression de la volonté générale ». C’est la démocratie.
Que dire de la crédibilité d’une politique de l’eau quand l’administration réaménage la loi à son gré, en infligeant des charges très lourdes (administratives, techniques, financières) qui vont bien au-delà de ce que le législateur a promulgué ?
Tout ce que la loi n’a pas prévu…
…l’étau administratif y a pourvu entre 2010 et 2015, grâce aux outils disponibles : décret, arrêté, circulaire, instruction. Rien n’a été épargné. Pas du tout loyal, mais très légal. Un arsenal anti-démocratique qui créé du droit.
Ainsi :
● le droit d’eau d’un moulin, fusse-t-il fondé en titre, peut être abrogé sous couvert de plusieurs motifs ;
● l’état de ruine d’un ouvrage devient une notion arbitraire, très temporaire. Après une crue ayant provoqué des désordres, le droit d’eau peut être abrogé immédiatement, bien avant d’avoir le temps de le restaurer. Et les travaux doivent faire l’objet d’un dépôt de dossier d’autorisation… ; à l’instar de la carte grise et du permis de conduire qui seraient supprimés dès la première panne d’une voiture. Ce que le code de la route n’oserait même jamais imaginer sous peine de révolution, les décrets, arrêtés et circulaires s’appliquant aux étangs aux moulins et riverains des cours d’eau l’ont fait avec célérité ;
● Pour aider les requérants à protéger le milieu aquatique, il convient de se conformer au décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014.
Vous pensiez que votre ouvrage était « autorisé » ad vitam æternam ? L’arrêté du 30 septembre 2014 (IOTA) va dicter des prescriptions générales et souvent « particulières » qui peuvent vous contraindre à des travaux dissuasifs, quelquefois même irréalisables ;
● Vous n’aviez jamais entendu parler de « frayères potentielles », de truite fario devenue migratrice, ni d’alose au droit du moulin ? En classant votre cours d’eau en liste 2, (circulaire du 18 janvier 2013 pour la restauration de la continuité écologique) le Préfet coordonnateur de bassin, lui, va obliger l’usinier à créer un dispositif de franchissement pour ce poisson probablement chimérique, doté d’une très mauvaise aptitude au franchissement ;
● l’instruction du 5 juin 2015 permet de qualifier de « cours d’eau » la moindre rigole, bief de moulin et ruisseau même à sec 6 mois sur 12. Inutile de se référer aux trois critères cumulatifs : toutes les cartographies départementales sur internet (hormis celle d’Indre et Loire) sont fausses. Les DDT-ONEMA dénient aux experts et riverains la capacité d’être en mesure de qualifier un « cours d’eau ». C’est le concept de « concertation », prévu dans les textes et invoqué dans les courriers… pour n’avoir jamais été autant bafoué.
Il en fut une seule d’instruction, émanant de la Ministre en décembre 2015, à l’attention des préfets pour leur demander de ne plus s’acharner sur les cas conflictuels. Cette instruction, à seule fin d’apaiser l’ambiance, n’a strictement eu aucun effet sur l’acharnement que les propriétaires d’étangs et de moulins ont de plus en plus de mal à supporter.
Les sophistes chez FNE et FNPF perfusés d’argent public, pesant de tout leur poids pour infliger des charges aux autres, n’ont rien imaginé d’autre, pour tenter de décrédibiliser et de minorer cette grogne généralisée et légitime, qu’elle serait portée par un « puissant lobby ».
Ce sera peut-être le cas en 2017 à force d’exaspérer 80% du territoire national avec le dogme de continuité écologique, inacceptable tel qu’il est imposé depuis 10 ans.
Enfin, si cette doctrine est d’intérêt général, elle devrait être mise en œuvre par la collectivité au lieu d’être infligée à des particuliers.
(1) effet collatéral ad personam : angoisse, stress, AVC, divorce.
Autre effet collatéral : abus de faiblesse, spoliation (acheter un bien ou un service pour l’euro symbolique est une spoliation de la valeur d’avenir), préjudice immobilier (exemples récents)
(2) nous aurions aimé revendiquer cette expression, mais elle émane d’une Fédération de pêcheurs.