Cour Administrative d’Appel de Nancy 28 juin 2007
le DÉPARTEMENT DU JURA demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0300591 en date du 22 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de l’association agréée de Clairvaux-les-Lacs pour la pêche et la protection du milieu aquatique, annulé l’arrêté du 7 août 2002 par lequel le préfet du Jura lui a délivré un récépissé de déclaration au titre de la loi sur l’eau pour la réalisation d’un port de plaisance sur la commune de Pont-de-Poitte ;
2°) de rejeter la demande de l’association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique (AAPPMA) devant le Tribunal administratif de Besançon ;
Il soutient :
que c’est à tort que le Tribunal administratif a fait droit à la requête de l’association au motif que le dossier de déclaration ne comporterait aucun élément permettant de préciser la compatibilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et que le préfet aurait dû solliciter un complément de dossier auprès du pétitionnaire compte tenu des carences signalées par le conseil supérieur de la pêche, dès lors, d’une part, qu’un tel schéma directeur n’a pas été élaboré pour la rivière Ain, d’autre part, que la notice d’impact répond en tout point aux exigences du décret du 29 mars 1993 ;
L’association agréée de Clairvaux-les-Lacs pour la pêche et la protection du milieu aquatique soutient que :
l’appel du DÉPARTEMENT DU JURA est irrecevable faute de qualité pour agir, dès lors qu’il n’a pas été appelé en cause et n’est pas davantage intervenu spontanément à l’instance, seule la voie de la tierce opposition étant ainsi ouverte ;
subsidiairement, l’appel est infondé ;
...
Sur la légalité de la décision attaquée :
En ce qui concerne le contenu du dossier de déclaration :
Considérant qu’aux termes de l’article 29 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 susvisé : « Toute personne souhaitant réaliser une installation, un ouvrage, des travaux ou une activité soumise à déclaration adresse une déclaration au préfet du département ou des départements où ils doivent être réalisés. Cette déclaration, remise en trois exemplaires, comprend : ( ) 4° Un document indiquant, compte tenu des variations saisonnières et climatiques, les incidences de l’opération sur la ressource en eau, le milieu aquatique, l’écoulement, le niveau et la qualité des eaux, y compris de ruissellement, ainsi que sur chacun des éléments mentionnés à l’article 2 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée, en fonction des procédés mis en oeuvre, des modalités d’exécution des travaux ou de l’activité, du fonctionnement des ouvrages ou installations, de la nature, de l’origine et du volume des eaux utilisées ou concernées. Ce document précise la compatibilité du projet avec le schéma directeur ou le schéma d’aménagement et de gestion des eaux et avec les objectifs de qualité des eaux prévus par le décret du 19 décembre 1991 susvisé. Si ces informations sont données dans une étude d’impact ou une notice d’impact, celle-ci remplace le document exigé à l’alinéa précédent ( ) » ;
que l’article 30 du même décret précise que : « Le préfet donne récépissé de la déclaration » ;
Considérant, en premier lieu, que s’il est constant que, par délibération 96-27 en date du
20 décembre 1996, le comité de bassin Rhône-Méditerranée-Corse a décidé d’approuver définitivement le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux du bassin Rhône-Méditerranée-Corse et que le département du Jura relève du ressort territorial du comité de bassin Nord-Méditerranée, il ne résulte pas de l’instruction que ce document comporterait des prescriptions spécifiques pour la rivière Ain ou la retenue artificielle dite « Lac de Vouglans » le long de laquelle l’installation projetée doit être implantée ;
que, par suite, c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le dossier de déclaration déposé par le DÉPARTEMENT DU JURA était incomplet en tant qu’il n’énonçait aucun élément susceptible de préciser la compatibilité du projet avec ledit schéma directeur ;
Considérant, en second lieu, qu’il résulte de l’instruction et des propres écritures de l’association défenderesse que, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, la notice d’impact en date du 10 avril 2002 que comporte le dossier de déclaration déposé le 19 juin 2002 par le DÉPARTEMENT DU JURA a fait l’objet le 9 juillet 2002 d’une notice complémentaire contenant notamment un chapitre 4 intitulé « effets des possibles types de pollution sur le site » ;
qu’ainsi les premiers juges n’ont pu valablement, pour estimer incomplète ladite notice d’impact, se fonder sur l’appréciation, au demeurant non motivée, portée le 25 février 2002 par le conseil supérieur de la pêche sur les « documents d’incidence » établis par le pétitionnaire ;
qu’en admettant même que les précisions apportées par la notice d’impact initiale soient estimées insuffisantes au regard des dispositions précitées, l’ensemble constitué par ce premier document et la notice complémentaire ci-dessus mentionnée comprend des indications suffisamment précises permettant d’apprécier les incidences du projet sur le milieu aquatique, la qualité des eaux, les peuplements de poissons ainsi qu’au regard des éléments pertinents mentionnés à l’article 2 de la loi susvisée du 3 janvier 1992 codifié à l’article L. 211-1 du code de l’environnement ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est à tort que, pour annuler la décision litigieuse, le Tribunal administratif de Besançon s’est fondé sur la circonstance que le dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau établi par le DÉPARTEMENT DU JURA aurait été incomplet ;
Considérant toutefois qu’il appartient à la Cour, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par l’association agréée de Clairvaux-les-Lacs pour la pêche et la protection du milieu aquatique devant le Tribunal administratif de Besançon ;
En ce qui concerne la compétence de l’auteur de la décision attaquée :
Considérant qu’aux termes de l’article 17 du décret susvisé du 10 mai 1982, alors en vigueur : « Le préfet peut donner délégation de signature : 2° Aux chefs des services des administrations civiles de l’Etat dans le département ou à leurs subordonnés en ce qui concerne les matières relevant de leurs propres attributions » ;
que, par arrêté du 10 septembre 2001 pris notamment sur le fondement de ces dispositions, le préfet du Jura a donné à M. X, directeur départemental de l’équipement, délégation à l’effet de signer, entre autres décisions, les récépissés de déclaration prévus par l’article 10 de la loi susvisée du 3 janvier 1992, et précisé qu’en cas d’absence ou d’empêchement de M. X, la délégation de signature sera exercée par M. Marc Y, chef du service urbanisme, habitat et environnement ;
qu’il s’ensuit le moyen tiré de l’incompétence de M. Y à l’effet de signer la décision litigieuse en tant que ce dernier aurait bénéficié d’une subdélégation illégale de la part du directeur départemental de l’équipement doit être écarté ;
En ce qui concerne le moyen tiré de la nécessité d’une autorisation préalable des travaux :
Considérant qu’aux termes des articles L. 214-1, L. 214-2 et L. 214-3 du code de l’environnement, issus de la codification des articles 10-I, 10-II et 10-III de la loi susvisée du
3 janvier 2002 : « Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux , une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects même non polluants » ;
« Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature établie, par décret en Conseil d’Etat et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques » ;
« Sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n’étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3 » ;
Considérant que l’association agréée de Clairvaux-les-Lacs pour la pêche et la protection du milieu aquatique, qui ne disconvient pas que les ouvrages de busage d’une arrivée d’eau de ruissellement, de consolidation des berges et d’enrochement soutenant la rampe de mise à eau des bateaux dont la réalisation était expressément mentionnée dans le dossier de déclaration déposé par le DEPARTEMENT DU JURA étaient soumis à simple déclaration, soutient en revanche, en s’appuyant à cet effet sur les conclusions d’un procès-verbal d’infraction dressé le 27 février 2003 par la brigade du Jura du conseil supérieur de la pêche, que les travaux de remblaiement effectués dans la retenue d’eau étaient soumis à autorisation sur le fondement des dispositions précitées ;
Considérant toutefois que, comme le souligne au demeurant l’association demanderesse, qui ne se prévaut par ailleurs d’aucune disposition de la nomenclature figurant dans le décret susvisé
93-743 du 29 mars 1993 soumettant à autorisation de tels travaux, ceux-ci n’étaient pas prévus dans la déclaration déposée par le DÉPARTEMENT DU JURA ;
qu’il s’ensuit que le moyen sus-énoncé doit être écarté comme inopérant ;
En ce qui concerne le contenu du dossier de déclaration :
Considérant en premier lieu que, comme il a été dit ci-dessus, l’association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique n’est pas fondée à faire valoir l’irrégularité du dossier de déclaration en tant qu’il n’énoncerait aucun élément susceptible de préciser la comptabilité du projet avec le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux et que la notice d’impact ne comporterait pas d’éléments suffisants permettant d’apprécier les incidences du projet sur le milieu aquatique ;
Considérant, en second lieu, que s’il est constant que le dossier de déclaration ne précise pas la compatibilité du projet avec les objectifs de qualité des eaux mentionnés à l’annexe II au décret susvisé du 19 décembre 1991, laquelle fixe des normes de qualité des eaux douces ayant besoin d’être protégées ou améliorées pour être aptes à la vie des poissons, cette seule omission ne saurait, dans les circonstances de l’espèce, entacher d’irrégularité le document litigieux, dès lors qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’eu égard, d’une part, à la teneur des objectifs ainsi fixés, d’autre part, à l’ampleur limitée du projet en cause par rapport à l’étendue du lac de Vouglans et à l’incidence sur les paramètres ainsi définis du milieu urbanisé proche ainsi que des éléments préexistants mentionnés au point 3-2-2 de la notice, l’appréciation de l’administration sur le projet aurait pu être modifiée par l’existence des quelques développements qui auraient pu y être consacrés ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la demande de l’association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique devant le Tribunal administratif de Besançon doit être rejetée ;
qu’il s’ensuit que le DÉPARTEMENT DU JURA est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a annulé la décision susvisée du préfet du Jura ;
DÉCIDÉ :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon en date du 22 novembre 2005 est annulé.
Article 2 : La demande de l’association agréée de Clairvaux-les-Lacs pour la pêche et la protection du milieu aquatique devant le Tribunal administratif de Besançon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du DÉPARTEMENT DU JURA est rejeté ainsi que les conclusions de l’association agréée de Clairvaux-les-Lacs pour la pêche et la protection du milieu aquatique tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au DÉPARTEMENT DU JURA, à l’association agréée pour la pêche et la protection du milieu aquatique (AAPPMA)et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables.