Cour Administrative d’Appel de Nancy 19 mars 2007
la SOCIETE FRANC COMTOISE HYDRO-ELECTRIQUE demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0200523-0200524 en date du 24 février 2005 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté ses demandes tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute-Saône, en date du 10 décembre 2001, portant déclaration d’utilité publique, pour le compte de la commune de Ray-sur-Saône, de la dérivation des eaux pour la consommation humaine à partir du puits d’alimentation en eau potable du Moulin et de l’établissement des périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée autour dudit puits,...
Elle soutient que :
le rapport de l’expert est entaché d’erreur sur la cause de la coupure de l’alimentation en eau de la commune ;
les conclusions de l’expert et du commissaire enquêteur sont partiales et révèlent une instruction menée systématiquement « à charge » ;
les parcelles appartenant à la requérante ne devaient pas être incluses dans le périmètre de protection dès lors que n’est pas établi, conformément à l’article 16 du décret n° 89-3 du 3 janvier 1989, le lien entre son activité et l’approvisionnement en eau potable ;
l’avis d’un hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique n’a pas été sollicité en méconnaissance de l’article 16 du décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 et de l’article 20 du code de la santé publique ;
l’illégalité commise par l’administration l’a empêché d’exploiter la micro-centrale ; cette exploitation n’était, pour des drainages inférieurs à 1 000 m3, pas soumise à autorisation ni même à déclaration ;
le ministre de l’écologie et du développement durable qui conclut au rejet de la requête soutient que :
le canal de fuite est situé dans le lit mineur de la Saône qui est une rivière classée dans le domaine public fluvial de l’Etat ;
tant l’expert hydrogéologue désigné par le tribunal que l’expert hydrogéologue agréé mandaté pour la détermination du périmètre de protection ont relevé l’interaction entre le niveau des eaux superficielles exploitées par la société requérante et le niveau de l’eau dans le puits du captage du Moulin ;
l’abaissement du niveau de l’eau pour les travaux dans le canal de fuite a provoqué celui de la nappe alluviale ;
la partialité du commissaire-enquêteur n’est aucunement établie ;
l’inclusion de la parcelle appartenant à la SOCIETE FRANC COMTOISE HYDRO-ELECTRIQUE dans le périmètre de protection est bien justifiée dès lors que les travaux entrepris ont eu une influence sur le puits de captage ;
l’avis d’un hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique, M. X, a bien été sollicité ;
l’expert sur les conclusions duquel s’appuie l’argumentation de la requérante, M. Y, ne connaît pas la géologie du département ;
le fait que le canal de fuite appartiendrait à la requérante ne l’empêchait pas de demander l’autorisation d’effectuer les travaux au titre de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 et particulièrement de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, ceux-ci étant susceptibles de nuire à l’écoulement des eaux et de réduire la ressource en eau ;
les travaux n’ont pas été achevés et n’ont fait l’objet d’aucun dossier de régularisation ;
l’usine fonctionnait depuis 1924 et l’arrêt de son exploitation en 1983 est le fait des propriétaires et non de l’Etat ;
une demande de renouvellement d’autorisation d’exploitation d’énergie hydraulique devait être déposée avant le 21 mars 2002, ce qui n’a pas été fait ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, en premier lieu, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que les conclusions de l’expert Y et du commissaire enquêteur révèleraient un manque d’impartialité ;
Considérant, en second lieu, que contrairement, à ce qui allégué par la société requérante et en tout état de cause, l’expert X, dont l’avis a été recueilli dans le cadre de la procédure d’enquête publique, est un hydrogéologue agréé pour le département de la Haute-Saône par arrêté du 3 juillet 1996 du préfet de la région Franche-Comté ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant qu’aux termes des dispositions alors applicables de l’article L. 1321-2 du code de la santé publique : « En vue d’assurer la protection de la qualité des eaux, l’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines détermine autour du point de prélèvement un périmètre de protection immédiate dont les terrains sont à acquérir en pleine propriété, un périmètre de protection rapprochée à l’intérieur duquel peuvent être interdits ou réglementés toutes activités et tous dépôts ou installations de nature à nuire directement ou indirectement à la qualité des eaux et, le cas échéant, un périmètre de protection éloignée à l’intérieur duquel peuvent être réglementés les activités, installations et dépôts ci-dessus mentionnés. L’acte portant déclaration d’utilité publique des travaux de prélèvement d’eau destinée à l’alimentation des collectivités humaines détermine, en ce qui concerne les activités, dépôts et installations existant à la date de sa publication, les délais dans lesquels il doit être satisfait aux conditions prévues par le présent article et ses règlements d’application. Des actes déclaratifs d’utilité publique peuvent, dans les mêmes conditions, déterminer les périmètres de protection autour des points de prélèvement existants, ainsi qu’autour des ouvrages d’adduction à écoulement libre et des réservoirs enterrés. » ;
Considérant qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée ou à des intérêts généraux, le coût financier et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;
qu’il ressort du rapport de l’expert Y déposé au greffe du Tribunal administratif de Besançon le 17 septembre 1999 et du rapport de l’hydrogéologue X en date du 11 février 1999, établi dans le cadre de l’enquête publique pour l’établissement des périmètres de protection en litige, que la qualité des eaux prélevées au puits du Moulin est susceptible d’être influencée tant par les deux barrages transversaux édifiés pour la consolidation d’un mur de bajoyer et la réalisation de travaux de réduction d’un seuil d’enrochement affectant le débit de l’eau alimentant l’usine hydroélectrique, ces barrages réduisant directement la quantité d’eau arrivant au prélèvement au point de le rendre impossible en période d’étiage, que par le barrage longitudinal qui, séparant le canal de fuite de la Saône et empêchant la circulation d’eau, favorise les pollutions au point de captage situé à proximité ;
que dans ces conditions, si la requérante reproche à l’arrêté contesté de l’empêcher d’exploiter son usine hydroélectrique, laquelle au demeurant ne fonctionnait plus depuis 1983, elle n’établit nullement subir des inconvénients excessifs eu égard à l’intérêt pour la santé publique que présente la protection dudit captage d’eau potable ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède, que la SOCIÉTÉ FRANC COMTOISE HYDRO-ELECTRIQUE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet de la Haute Saône en date du 10 décembre 2001 portant déclaration d’utilité publique, pour le compte de la commune de Ray-sur-Saône, de la dérivation des eaux pour la consommation humaine à partir du puits d’alimentation en eau potable du Moulin et de l’établissement des périmètres de protection immédiate, rapprochée et éloignée autour dudit puits ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SOCIÉTÉ FRANC COMTOISE HYDRO-ELECTRIQUE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIÉTÉ FRANC COMTOISE HYDRO-ELECTRIQUE, au Ministre de l’écologie et du développement durable et à la commune de Ray sur Saône .